Si l'on n'aime pas Duras, inutile de regarder ne serait-ce que cinq minutes de ce film. Mais si l'on est sensible aux mots de Marguerite, à leur petite musique répétitive et forcément envoûtante (même si elle peut se révéler légèrement soporifique), on se laissera emporter même à demi somnolent dans cette adaptation d'une pièce peu connue de l'auteure de L'amant, revue et à peine corrigée par Benoît Jacquot. Presque toute l'action se déroule dans l'immense salon d'une luxueuse villa de la Côte d'Azur où Suzanna Andler, magistralement incarnée par une Charlotte Gainsbourg toujours au bord de la rupture, remâche son spleen et ses frustrations de femme de riche désœuvrée face à un amant inconsistant et faussement cynique. Le réalisateur qui fut l'assistant de Duras sur le tournage d*'India Song*, La femme du Gange et Nathalie Granger (soit les trois meilleurs films de l'écrivaine-cinéaste) n'essaie pas de "déthéâtraliser" l'argument ultra-minimaliste de la pièce mais plutôt que de se tenir à distance dans de longs plans fixes, comme le faisait Duras, il s'approche au plus près de son héroïne malheureuse, au gré d'amples mouvements de caméra toujours plus tendres et intimistes. Certes, on frise parfois un ennui distingué, mais il n'est pas interdit de s'endormir une ou deux minutes: à son réveil rien n'aura changé dans ce film à la fois futile et bouleversant sublimé par quelques monologues d'anthologie comme savait si bien en écrire Marguerite D.