De Lou Ye je ne connaissais que "Summer Palace", film obscur de 2006 sur une histoire d'amour tortueuse avec, en fond, les mutations de la société chinoise à l'aube des années 90. Le film m'ayant profondément marqué par son ambiance crue et poétique, c'est avec un grand enthousiasme que j'ai appris, en fin d'année dernière, la ressortie en salles de son tout premier film, "Suzhou River".
À cheval entre le XXème et le XXIème siècle, ce film interdit en Chine car tourné sans autorisation, tranche nettement avec les autres films chinois de son époque. Plutôt que de dresser une fresque historique, il s'intéresse aux histoires intimes de plusieurs personnages et rappelle, dans sa manière de déployer son imaginaire, le style du réalisateur hongkongais Wong Kar-wai. Il est encore question d'histoire d'amour tortueuse, avec toujours ce si particulier mélange entre poésie et réalisme. Les images, tournées en caméra à l'épaule, vibrent d'une espèce d'énergie mystique, parfaitement accompagnée par un récit en voix-off qui fait la part belle aux émotions humaines les plus sincères. Enrobé d'une esthétique à la limite du fantastique et d'une musique envoûtante, c'est un film qui s'est automatiquement inscrit au sommet de mon panthéon personnel.