Chaque film de Lou Ye est un précieux secret...
Prologue : C'est une sirène qui trouve une perle au fin fond de l'océan et qui la ramène sur terre...
La terre symbolise les spectateurs, l'océan regroupe gouvernement censure et difficultés de tournage, la perle c'est Suzhou River, et la sirène c'est Lou Ye...
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Je ne sais pas pourquoi, j'étais persuadée que ce film était connu et reconnu. Plus de 7 de moyenne, je ne me trompais donc pas tout à fait, mais 29 avis j'en étais loin...C'est ma deuxième expérience avec le réalisateur (toutes les deux grâce à senscritique d'ailleurs) et je peux vous le dire, s'il continue ainsi il risque fort d'arriver parmi mes réalisateurs préférés. Ceci étant dit...
Suzhou River est un film étrange qui met en scène deux histoires en une, la première étant sensée être réelle et la seconde étant racontée par un personnage issu de la première. D'un côté un homme tombe amoureux d'une fille rencontrée dans un bar, "actrice" qui prend l'apparence d'une sirène pendant les représentations. D'un autre, un coursier s'éprend d'une jeune fille qu'il doit conduire d'un bout à l'autre de la ville et avec qui il va vivre une belle et courte histoire d'amour. Or il se trouve que les deux filles en question ont beaucoup de similitudes : l'actrice a beau être bien plus adulte que la jeune fille, la ressemblance est frappante.
La frontière entre fiction et réalité est très floue, si les deux sont tout d'abord distinctes, elle vont s'entrecroiser jusqu'à ce qu'on ne sache plus distinguer le vrai de l'imaginaire. Et c'est précisément lorsqu'on croit avoir compris que l'on s'aperçoit que tout n'est pas si simple.
L'histoire du coursier, c'est un peu comme un conte : l'histoire d'un homme fou d'amour et de désespoir, prêt à tout pour retrouver enfin celle qu'il aime. Un conte qui va trop plaire à la jeune actrice, et qui finira par prendre le pas sur la réalité...
Notons que le réalisateur lui-même fait souvent office de narrateur, il tient la caméra à bout de bras, mais nous ne le voyons pas. Il faut d'ailleurs admettre que c'est très astucieux, puisque Lou Ye a (encore une fois !) tourné sous son manteau sans autorisation ! Ainsi, c'est presque comme s'il y avait trois histoires : outre celles qui constituent le film, la sienne plane au-dessus de tout.
Nous retrouvons de lui des paysages urbains montrés tels quels sans aucun artifice, des sentiments montrés bruts, là aussi sans être embellis (ils n'en sont pourtant que plus beaux), et une ambiance magnifiée par un petit plus indescriptible qui sonne à nos oreilles comme un poème et qui plane au-dessus du tout.
Donner une interprétation quelle qu'elle soit n'a pas grand sens, ce serait donner à cette expérience un côté terre à terre qui semble totalement inapproprié. Comme souvent, chacun sera amené à avoir une idée bien à lui, même si ici c'est sans doute au-delà de toute explication. Ce film est une petite énigme, charmante et délicieuse, comme le chant d'une sirène. Un instant volé (ceci est à prendre au sens propre) que nous offre Lou Ye...