Suzhou River de Lou Ye entreprend de revisiter le Vertigo d'Hitchcock à la sauce Wong-Kar wai, et le fait avec brio. Le statut de vidéaste du narrateur hors-champ et sa compulsion à capter des moments de réel dans le but de les transfigurer, de les immortaliser par le prisme de l'art et de l'imagination constituent ainsi la colonne vertébrale inédite du film, qui évite de ce fait une redite blafarde du chef-d'œuvre du Maître. Les nombreuses figures de style par trop clinquantes ailleurs - ralentis lyriques, effets de filé permanents, jump-cuts intempestifs et autres torsions temporelles du récit - épousent ainsi intégralement un regard romantique et mélancolique subjectif sur les êtres et les choses, en l'occurrence ici ceux de l'urbanité en constante ébullition de Shanghai. Il en résulte un voyage poétique et sensoriel comme en suspension, dont l'onirisme engloutira le spectateur le plus ouvert et téméraire.