Psychose glamour dans un thriller magnétique

Amateurs de films hitchcockiens, vous ne serez pas déçus ! Une héroïne blonde très glamour, une psychose étrange et un suspense entretenu par une addiction qui va crescendo composent le trio gagnant de ce thriller à la photographie ultra léchée.


Dès les premières images nous sommes hypnotisés par Hunter, jeune épouse au visage poupin encadré par une chevelure à la coupe enfantine mais dont la blondeur et la mise en plis arrondie ne sont pas sans rappeler le mystérieux chignon de Kim Novak. On éprouve un plaisir esthétique évident à guetter ses émotions filtrer par ses joues rosées alors que ses yeux verts amande semblent, eux, impassibles. A la perfection plastique de l'héroïne répond le luxueux cadre de vie dans une maison de l'Upstate New-York permis par son mari, le riche et séduisant Richie, et surtout par ses beaux parents propriétaires d'une entreprise de Manhattan. En apparence Hunter peut profiter de sa vie de femme au foyer sans aucun soucis financier, se prélasser sur sa terrasse, jouir à souhait de son temps libre et, le soir venu, retrouver son mari pour un dîner en tête à tête. En somme, Hunter semble être l'incarnation de la "perfect housewife" sur papier glacé qui fait rêver tant d'Américaines.


Pourtant, le spectateur est saisi par l'ambiance éthérée qui domine la mise en scène. Toute cette perfection met à distance les choses, les émotions et les êtres. Comme si le réel n'avait plus de prise. De la transparence de la terrasse, en passant par le silence feutré de la moquette, l'absence de voisinage jusqu'à l'hygiène buco dentaire irréprochable de Richie (qui applique une sorte de scotch pour nettoyer ses dents), on est frappé par cet impossible contact avec la rugosité du réel. Comme si le réel dans son imperfection se soustrayait à nos sens. On effleure les surfaces, on glisse d'une pièce à l'autre, on se faufile dans l'ambiance polissée d'un restaurant chic, si bien que même les voix n'osent s'élever dans un tel calme. On observe la passion sans saveur entre Hunter et Richie, rejouant les scènes des jeunes amants, récitant les dialogues mielleux, mais sans parvenir à en éprouver la passion.


Se dessinent rapidement les barreaux invisibles de cette prise dorée. A la prison physique s'ajoute celle, plus insidieuse, de l'enfermement psychologique. Car ce confort de vie oisif exige bien une contrepartie : celui de remplir son rôle social. Les beaux parents omni présents à la bonté condescendante dictent le comportement de Hunter au millimètre près car celle-ci est avant tout un maillon de la réussite de leur fils. Dans le cahier des charges d'Hunter figure évidemment la mise au monde d'un héritier. Quelle liberté reste-t-il alors à Hunter, quand sa belle-mère lui prescrit même le livre à lire pour préparer son post-partum ? Comment se réaliser quand remplir son rôle social est à ce point contrôlé ? A l'évidence rien d'autre que choisir la couleur des rideaux de la salle de projection de la maison et passer l'aspirateur sur la moquette déjà impeccable.


Hunter apparaît bien déprimée mais résignée à ce destin jusqu'au jour où, en ouvrant le fameux livre offert par sa belle mère, elle tombe sur le conseil suivant :



"try something new and different every day".



Elle se dirige alors vers sa table de nuit, ouvre une boîte à bijoux, se saisit d'une bille, l'observe attentivement avec une quasi gourmandise, avant de la déposer dans sa bouche. En sentant la douceur du verre au contact de sa langue, elle se rappelle sans doute le plaisir ressenti en croquant les glaçons du restaurant, si bien qu'elle décide à présent d'avaler la bille. Entre jouissance et souffrance, avaler la bille permet à Hunter d'enfin renouer avec le réel, d'éprouver à nouveau, en ayant elle seule le contrôle. Cette expérience ouvre alors une voie d'exploration qui va aller crescendo et dont vous connaîtrez les raisons profondes à la fin du film.


Le film rappelle à certains égards Shame (2011) de Steve McQueen et son personnage principal Brandon: solitude en dépit d'une grande aisance financière, difficulté à se connecter "vraiment" à autrui, addiction pour compenser cette solitude psychotique (addiction au sexe pour Brandon, maladie de Pica pour Hunter), le tout filmé avec une photographie ultra léchée (magnifiques tons de bleu dans Shame tandis que les tons roses dominent la photographie dans Swallow). Hunter de Swallow est peut-être le prolongement féminin de Brandon dans Shame !
Finalement, je regarderais bien les deux films à la suite un long week-end esseulé, histoire de retrouver la grâce glamour des névroses qu'Hollywood sait si bien mettre en scène !

LB83
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le 13 mars 2022

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Laetitia B.

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