Comment ne pas se reconnaître en Julie quand on est une fille née dans les années 90 ?
Comme Julie, nous avons grandi avec l'arrivée du smartphone dans nos salles de classe, nous avons été (très) bonnes élèves, nous avons choisi les voies ambitieuses (médecine pour Julie),
"She's chosen medecine because it was so hard to gain admission. Where her excellent grades actually meant something. But then she had a revelation"
puis nous avons questionné notre orientation, nous sommes entrées dans la vie professionnelle avec des stages ou des petits boulots mais pleines d'espoir et d'aspirations. Le rythme propre à la jeunesse nous galvanisait tandis que la ville nous enveloppait de ses visages et ses lieux nouveaux. Nous sommes tombées amoureuses, librement. Tous les futurs étaient ouverts et l'avenir prometteur semblait nous tendre les bras. Et puis un jour, les choses ont ralenti, le temps de l'exploration et de l'insouciance s'est dissipé, la pression sociale est devenue palpable, la vie a semblé se figer et le réel devenir plus pesant.
Julie se demande comment reprendre alors le contrôle de cette vie qui se déroule comme malgré elle. Elle remarque :
" I feel like I'm a spectator in my own life, like I'm playing a supporting role in my own life"
"Sometimes I just want to feel things"
Alors que la pression pour être mère et avoir une situation professionnelle stable se fait toujours plus grande à l'aube de la trentaine, comment garder le contrôle de sa vie ? Peut-elle s'émanciper des attendus sociaux et de cette injonction à réussir ? Et en même temps, il y a tellement de possibles qu'il est difficile de choisir. Le film montre très bien à quel point Julie est indécise, a du mal à faire des choix, a peur de se lancer, sans doute par peur de l'échec et de passer à côté de sa vie. Et pourtant elle est tellement touchante dans cette quête existentielle. Celle qui se croit être "the worst person in the world" (titre original du film) est enivrante et ne voit pas le magnifique ouvrage que la vie compose malgré elle.
Le film offre une aussi une magnifique réflexion sur le temps qui passe à travers le couple formé par Julie et Aksel, de 15 ans son aîné. C'est vraiment passionnant de voir comment ces deux personnages qui partagent leur quotidien, n'ont pas du tout la même perspective sur la vie ni le même ressenti des choses. On réalise combien le temps nourrit l'âme et modifie notre appréciation du réel. A méditer !
Enfin, il y a Oslo, la capitale norvégienne où tout le film a été tourné. J'éprouve toujours autant de plaisir à retrouver cette luminosité si particulière, celle du ciel d'été qui s'étire dans la nuit et celle de l'hiver quand les intérieurs tamisés donnent une couleur dorée aux flocons de neige. Sans doute le film emprunte-t-il sa douceur à la lumière nordique.
Voilà, ce sont mes impressions après un premier visionnage mais je suis certaine que je le visionnerai à nouveau. D'abord parce que c'est un très beau film, ensuite parce qu'on ne veut pas quitter Julie (incarnée par la délicieuse Renate Reinsve), mais surtout parce qu'il n'y pas de meilleure thérapie pour la crise de la trentaine ! Vives les séances... de cinéma !