Synecdoche, New York par Acco
Ça y est, Charlie Kaufman peut désormais se faire plaisir comme bon lui semble. Non seulement derrière les stylos, il s'aventure aussi derrière la caméra. Sans Michel Gondry ou Spike Jonze pour l'accompagner, Kaufman livre un projet ambitieux. Très ambitieux même. On savait déjà qu'il aimait les mises en abyme, jouer avec des dimensions pas forcément très claires au premier abord...
Mais tout commence le plus naturellement du monde, avec le quotidien quelque peu désabusé de Caden Cotard, un personnage qui s'enferme peu à peu dans ses habitudes, ses doutes existentiels, son ego qui baisse à vue d'œil... Bref, une vision à la manière de ce que feront les frères Coen quelques mois plus tard avec A Serious Man. Ceci dit, ce Caden est aussi metteur en scène : le succès critique est au rendez-vous, mais sa vie est toujours aussi terne. Son artiste de femme s'éloigne de lui pour goûter aux joies culturelles berlinoises, sa santé part en lambeaux... Il ne sait plus où il en est, il perd ses repères. Le film voit alors sa chronologie quelque peu dilatée : le spectateur n'a plus la notion du temps (Une semaine ? Un an ?), et on se rapproche alors des méandres psychologiques du héros.
Et plus le film progresse, plus on a du mal à distinguer le réel de la fiction théâtrale qui se joue devant nos yeux. Une sorte de Truman Show auto-assumé par Caden, qui utilise sa pièce en tant qu'objet psychanalytique, pour libérer tous les regrets et autres sentiments refoulés qui jonchent son existence. Et cette projection gagne en intensité au fil des minutes : les strates se superposent, les acteurs et les pièces s'emboîtent comme autant de poupées russes. Les moments de vie sont rejoués à l'identique, avec une précision et un sens du détail maladifs. Cette descente aux enfers sur scène, où rien ne se distingue à première vue, est clairement étouffante. D'autant plus que la fantaisie d'un Gondry n'est plus là pour mieux faire passer la mise.