Trainsmissing
Putain, déjà 21 ans. 21 ans déjà que les junkies Renton, Spud, Sick Boy et le violent Begbie ont sillonné, Iggy Pop dans les oreilles, une Ecosse industrialisée à outrance par le biais d'un film...
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le 1 mars 2017
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Alors c’est vrai, je n’aime pas tout Boyle, mais globalement j’aime bien Boyle. Je trouve que c’est un beau formaliste comme il y en a peu et, même si certains se plairont à le décrier pour son style très nerveux et assez chargé, au moins a-t-il un style reconnaissable entre mille et – mieux encore – il a de l’audace, et c’est au fond pour cela que j’aime… Et franchement, tenter une suite de « Trainspotting » vingt ans après, pour moi, ça m’avait tout l’air d’être une belle audace. Alors c’est vrai que ce n’est pas le premier film auquel j’aurais pensé pour une suite, mais n’est-ce pas justement cela qui est beau ? Tenter là où c’est risqué ? …Et à dire vrai j’aurais presque aimé lui mettre plus à ce « T2 » juste pour ça : pour la démarche, pour la tentative, pour l’audace… Mais bon, je ne vais pas vous la faire à l’envers : ce film, globalement, il m’a un peu laissé sur le trottoir. Il faut dire que, par définition, la suite est un exercice scabreux, surtout quand elle n’est pas le résultat d’un processus pensé à l’avance. D’un côté on est tenté de redonner au spectateur ce qui a plu lors du premier opus, mais de l’autre côté on sait que si on n’apporte aucune rupture et aucune nouveauté, cette suite sera non seulement fade, mais en plus elle risquera d’affadir le revisionnage du film original. Or, sur ce point, je trouve que Boyle n’a pas su vraiment trouver le bon équilibre. Du moins, il n’a pas su capitaliser sur ce qu’il fallait. Pour moi, ce qui faisait la force de « Trainspotting » premier du nom, c’était cette capacité à incarner l’état d’esprit d’une époque et d’une population donnée. Nous plonger aux côtés de cette jeune génération perdue pour goûter à cet étrange cocktail d’exutoires libérateurs et de cruauté glaçante, je trouvais que ça relevait de l’expérience aussi bien éreintante que marquante. Parce que voilà, la réalisation très punchy de Boyle avait su à l’époque faire le job pour que ce film se transforme en expérience sensitive forte… Là, vingt ans plus tard, Boyle change son fusil d’épaule. Et il le fait consciemment. Tous ses héros n’ont plus vingt ans. Leurs problématiques ne sont plus les mêmes. Le désabusement n’a plus la même saveur. Le sentiment de révolte n’a plus la même fougue. Et personnellement, je suis loin de considérer ça inintéressant dans l’idée et j’ai même trouvé qu’au début, c’était plutôt pertinent. Un nouveau bit nerveux était là pour imprimer le rythme du début, mais las, les héros peinaient à le suivre… Sincèrement, c’était une belle idée… Le problème, c’est que derrière, le rythme il ne reviendra effectivement plus du tout. Certes, parfois, par quelques séquences, on retrouve cette narration à l’ancienne, très nerveuse. Parfois on retrouve cet esprit « tout pour la gagne et qu’importe le risque »...
(Je pense notamment à la scène chez les Légitimistes anglais : un des rares bons moments du film)
...Mais bon, globalement le film s’enlise avec l’apathie de ses personnages principaux. Et autant sur le papier l’idée se tient, autant concrètement, ça ne permet pas au film de décoller. Et c’est triste, parce qu’au fond, Boyle fait le boulot attendu d’une suite. D’un côté il offre et joue habilement les moments nostalgiques attendus...
(Le tourne disque qui laisse jouer à peine quelques secondes de l’emblématique « Lust for Life » ; les retrouvailles sous forme de parcours croisé avec Diane ; ou bien encore ce merveilleux moment où Spud revit la scène mythique durant laquelle Renton s’enfuit sur fond de « Born Slippy » d’Underworld, le tout merveilleusement intégré et agrémenté d’une réorchestration totalement adaptée à l’atmosphère voulue ! Rah ! Ça – il n’y a pas à dire – c’était du bon !).
Idem, de l’autre côté, je trouve que Boyle sait apporter la rupture indispensable à son univers original ; rupture justifiée par l’évolution en âge de ses personnages. Mais bon, pour moi ça ne marche pas, et ce n’était pas là-dessus qu’il fallait opérer la rupture. Rompre avec le rythme de « Trainspotting », pour moi c’est sacrilège. Rompre avec le message « J’ai décidé de ne pas choisir la vie », pour moi c’est sacrilège. Rompre avec cette belle illustration de cette jeunesse qui crame la chandelle par les deux bouts, pour moi c’est sacrilège. C’est con, mais plus je découvrais ce film, plus je me rendais compte que ce « T2 » était presque un film de papys. Il n’y avait pratiquement pas de jeunes dans ce film, et quand ils étaient là, ils pensaient presque comme des vieux. Ils étaient des vieux. Pour le coup je trouve que ça aurait tellement été plus pertinent de confronter cette génération Renton and Co. à la jeunesse d’aujourd’hui ; de maintenir le rythme effréné qui était la marque de fabrique du premier film, et de confronter cette ancienne génération de vieux briscards à ce rythme et à cette culture qui désormais les dépassent. A vouloir rompre avec ce qui faisait le cœur formel de « T1 », « T2 » peine à se poser comme une suite pertinente. Pire, il peine à se poser comme un film pertinent. Car bon, en plus de la mollesse, je trouve franchement que l’intrigue n’est pas non plus à la hauteur de l’événement. C’est poussif. La conclusion est convenue. Au final, le film se réduit très vite à une simple exposition de nostalgie pour les fans du premier volet. Est-ce que cela peut franchement suffire ? Pour moi qui ai beaucoup apprécié « T1 » ça n’a pas suffi. Pour les autres, j’ose imaginer. Après tout, j’ai bien vu des gens sortir lors de ma séance. S’ils n’ont rien vu du « 1 », tu m’étonnes qu’ils aient voulu partir ! Bref, tout ça pour ça… Quelques belles idées visuelles. Quelques jolis clins d’œil. Mais rien de plus… La tentative était belle. L’audace était louable. Il n’empêche qu’au final, le verdict du cœur, me concernant, est sans appel. Plaisant par brefs instants, mais globalement chiant. Encore un loupé pour Boyle donc… Triste…
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Créée
le 17 sept. 2017
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