Sur l'île de Bora-Bora, véritable jardin d'Eden, paradis où l'eau est cristalline, la nature luxuriante et où les habitants vivent dans l'insouciance d'une vie simple, se noue un drame : Reri, une jeune fille, belle comme un oiseau des îles est choisie par un vieux sorcier pour devenir une prêtresse. Elle devient alors tabou, vouée à la virginité. S'ouvre après cela le deuxième tableau du film : le paradis perdu. Loin de se soumettre à ce destin qui lui est imposé, elle s'enfuit avec Matahi le pêcheur de perle dont elle partage l'amour. Ils deviennent alors soumis à la malédiction de ceux qui brisent la loi du tabou. Et après avoir quitté leur jardin d'Eden ils découvrent la « civilisation ». Le dénouement de cette histoire est d'une grande intensité émotionnelle grâce à la force suggestive des images.
Le film a la particularité pour l'époque d'avoir été tourné avec des autochtones et sur l'île même de Bora-Bora. Il nous présente ainsi un tableau réaliste de l'endroit : les habitations, les techniques de pêche, les rassemblements communautaires, la navigation et de très belles séquences autour de la vie des polynésiens :
- les pirogues se dirigeant vers le bateau occidental
- la danse devant les chefs qui fait pendant à une autre séquence : celle ou les occidentaux dansent et boivent sur des rythmes bien différents de la douceur polynésienne.
Ce film est le dernier du grand Murnau à qui nous devons, entre autres, le chef d’œuvre L'Aurore ainsi que Nosferatu le vampire. (J'ai fait une erreur de lien sur ce dernier film et impossible de corriger ...). Si le cadre naturel de Tabou est idyllique et paradisiaque, le tournage lui, a été très tendu. Murnau et Flaherty qui étaient co-réalisateurs du film avaient des avis divergents sur l'angle d'approche. Flaherty, considéré comme le « père des documentaires » voulait coller au plus proche de la vie des autochtones et considérait que l'approche de Murnau était trop occidentale et déformait l'esprit polynésien. Les deux hommes ne pouvant dépasser leurs différents, Flaherty préféra se retirer et laisser le champ libre à Murnau. Tabou est l'une des dernières perles du cinéma muet à l'aube du cinéma parlant qui allait faire entrer l'histoire du cinéma dans une nouvelle ère. Murnau meurt dans un accident de voiture huit jours avant la première du film, s'éteignant en même temps que cette première époque du cinéma dont il avait été l'un des plus grands réalisateurs.