All high school girls out there. You are a little too obnoxious, so we decided to reduce your numbers.
Telle était la phrase d'accroche de l'affiche internationale de TAG. De quoi présager un film défouloir où Sion Sono pourrait se vider de toutes formes d'excès comme il avait pu le faire avec Cold Fish en 2011.
De plus, à l'époque des spéculations sur le type de film que ce serait, la bande annonce du film et le premier synopsis laissaient envisager un film de la trempe du mémorable Suicide Club, puisqu'on y voyait une forme d'entité mystérieuse meurtrière qui prenait forme par des voix d'enfants qui semblaient organiser les évènements du film et ainsi l'affection qu'a Sion Sono à maltraiter sauvagement les lycéennes pouvait alors exister, à l'image de la scène d'ouverture de Suicide Club ou encore TAG dans sa globalité.
Hélas, TAG n'a en commun avec Suicide Club que cette violence destinée aux lycéennes. Autre point commun assez minime entre les deux films, nous pouvons constater le retour des corps humains découpés ressemblant à de gros morceaux de viande.
Au final, TAG se trouve être un film assez indépendant dans la filmographie de Sion Sono puisque difficilement comparable avec les autres. Il trouve aussi, une certaine identité parmi les multiples projets de l'année 2015 de Sion Sono, car le film est un film de commande qui se frotte à des films très personnels pour le réalisateur comme le magnifique Love And Peace ou le très prometteur Whispering Star. Mais ici, Sion Sono ne s'aborde pas son film comme il a pu le faire avec son autre film de commande, Shinjuku Swan. Mais malgré cela, le film tirera tout ses points noirs et ses faiblesses de l'absence d'implication personnelle de Sono, car TAG aurait pu être un chef d’œuvre proche de la perfection si le réalisateur avait mis toute son âme dedans.
Même malgré ce manque d'implication de Sono et des petites faiblesses qui en résultent, TAG constituera l'une des plus grosses claque cinématographique de l'année 2015. Car ses faiblesses se situent dans son écriture principalement mais pas par sa sensibilité - le film s'appréciant totalement sur le ressenti -et au final TAG s'avérera être un projet plus risqué que Love And Peace. Le premier travaillant directement sur la sensibilité du spectateur, il y a donc une forte probabilité que le film ne parle pas à certains individus. Alors qu'à l'opposé *Love And Peace, du haut de son statut de comédie familiale, est beaucoup plus facilement appréciable et accessible.
Ce rapport au sensible qui existe dans TAG est présent jusqu'aux arcanes les plus sombres du film. C'est pour cela, que en soit l'histoire du film n'est pas importante. Réalisé de manière la plus contemplative qui soit, le film sera onirique, doux et agréable et qui parfois s’enfoncera parfois dans des côtés plus sombres, tel un cauchemar.
L'ambiance du film étant sa force majeure, Sion Sono créera une ambiance globale mélancolique et agréable grâce à une réalisation assez douce saupoudré d'un filtre instragram et d'une musique originale envoutante. Et cette ambiance s'installe dès le début avec une scène d'ouverture qui absorbera lentement en vous faisant oublier la salle de cinéma vous entourant. Cette scène d'ouverture étant l'une des trois plus belles scènes du film avec la scène de clôture et celle de l'oreiller sur le bord du lac. Car, bien qu'aussi surprenante que celle de Suicide Club, la scène d'ouverture vous mènera dans rapidement d'une ambiance bonne enfant vers un monde intriguant et dans un voyage au delà de la quatrième dimension.
Autre acteur majeur dans la création de cette ambiance, la musique originale de TAG vous poursuivre pendant un long moment après le film. Onirique elle aussi, avec une once de mélancolie. Tel une consécration, TAG confirmera la théorie que de nombreuses personnes avaient pu avancer, celle qui avançait que Mono, le groupe de post-rock japonais, serait un excellent groupe pour écrire des musiques de film. Communicative et mélancolique, Pure As Snow se démarquait déjà sur l'album Hymn To The Immortal Wind, et c'est avec une puissance hallucinante que la chanson revient plusieurs fois accompagner ces scènes magnifiques de TAG, résonnant dans toute la salle, submergeant les spectateurs, et les laissant pantois sur la scène de clôture. Cependant, Mono partagera la soundtrack avec un autre thème d'aussi bonne qualité, aussi douce mais qui sera plus discrète, moins communicative. Elle accompagnera tout de même avec réussite les scènes moins marquantes du film. Le seul reproche possible pourrait être de dire que le mélange des deux types de soundtrack est dommage. Non pas que ce soit une faute de goût, mais une musique originale entièrement composée par l'occasion par Mono aurait été intéressant et agréable, et aurait crée un univers unique basé sur les mêmes thèmes et sons.
Mais malgré le fait que l'ambiance soit l'élément majeur de TAG, un film ne peut pas reposer entièrement dessus. Et c'est donc aussi en partie grâce à ses actrices que TAG est mémorable. Sans livrer de performance exceptionnelle qui restera gravé les esprits, les actrices remplissent parfaitement leur rôle avec une sensibilité suffisante pour communiquer avec le spectateur. Car nous pouvions nous inquiéter du jeu d'actrice de certaines, notamment Mariko Shinoda et Erina Mano qui sont deux anciennes idoles. Mais ici, Sion Sono réussira la performance de sublimer ses actrices, en les rendant belles, classieuses, et touchantes. Alors que dans la réalité ce n'est pas forcément le cas tout le temps, nous pouvons retrouver une Reina Triendle attachante, une Mariko Shinoda envoutante et une Erina Mano sublime. Avec notamment une mention coup de cœur pour la beauté d'Erina Mano sur son dernier plan. Mais Sion Sono ne s'arrêtera pas seulement à ses personnages principaux, car le personnage le plus attachant de tous sera celui de Aki, joué par Yuki Sakurai. Il faut aussi mentionner une Ami Tomite qui sera classieuse sur chacune de ses apparitions.
C'est d'ailleurs par ses actrices que Sion Sono arrivera à inclure TAG dans univers et dans sa filmographie. En leur attribuant trois prénoms qui reviennent régulièrement dans ses films. Mitsuko est utilisé dans Suicide Club, Cold Fish et Virgin Psychics, Keiko est utilisé dans Himizu et Virigin Psychics et on peut retrouver Izumi dans Land Of Hope et Guilty Of Romance. C'est à travers l'usage de ces noms que Sion Sono crée des passerelles et des sortes d'arcs entre chacune de ses réalisations. Cette théorie des passerelles via les prénoms est tout de même plus compliqué que cela et sera surement abordée dans un livre sur Sion Sono qui paraitra dans les années qui viennent. Mais cela montre que Sion Sono que quelque part, Sion Sono ne rejette pas ce film comme Shinjuku Swan, alors qu'il est lui aussi un film de commande.
Cependant, même si Sion Sono ne rejette pas ce film et qu'il a reconnu bien l'aimé, le film manquera d'implication de sa part, car TAG aurait mérité d'être aussi personnel que Love And Peace en insufflant un message sous-jacent et poétique comme le réalisateur à pu le faire, en lui donnant une dimension encore plus grande. Et c'est cette même absence d'implication qui mène aux différents défauts que l'on peut retrouver dans le film, car ce sont des défauts que Sion Sono aurait pu facilement éviter. Par exemple, le twist final casse l'ambiance contemplative à cause d'un storytelling un peu trop ouvert et d'un manque de sobriété. On peut aussi ajouter les rares moments exutoires, les différents panchiras ou autres cotés excessifs propre à Sion Sono comme les exécutions à la mitraillette. Car même si c'est un coté que le réalisateur apprécie et qu'il utilise bien souvent, il avait jusqu'alors su quand le faire ou quand ne pas le faire, la preuve avec Suicide Club qui ne contient presque rien de tout ça.
Cependant, ces petites erreurs mènent à une réflexion sur Sion Sono. L'utilisation de ces codes alors que rien ne les justifie ne ressemble pas tellement au réalisateur et peuvent donner une idée selon laquelle, il aurait une forme de dégout pour lui même et pour ses codes. Jusqu'à maintenant les panchiras que l'on pouvait voir dans ses films semblaient l'amuser et était souvent excessif, ici ils sonnent comme une obligation et n'ont en rien le coté amusant qu'on pouvait leur trouver dans Love Exposure ou Minna Esper Dayo. Et ces codes semblent lasser de ces codes, et qu'il les met sans y mettre du cœur. Ajouté à Love And Peace, où les codes mentionnés plus haut sont tout simplement absent et à Hiso Hiso Boshi qui accueillerait surement mal de tels codes en son sein, on pourrait considérer que Sion Sono est passé à autre chose et qu'il souhaite les utiliser que dans des œuvres dédiées comme Virgin Psychics. Bien entendu, c'est une simple théorie que tout le monde ne partage pas et le réalisateur n'a jamais touché mot plus ou moins similaire à ce sujet.
Mais même si l'idée que Sion Sono est passé à autre chose au niveau de ces codes, on peut noter que nous sommes entrés dans un nouvel arc de sa filmographie, un arc plus personnel. Après avoir réalisé des films comme Himizu et Land Of Hope, Sion Sono semble avoir fermé un arc, puis avoir réalisé une période de transition délirante avec des projets comme Why Don't You Play In Hell ? ou Tokyo Tribe. C'est alors qu'aujourd'hui Sion Sono a annoncé près de 7 projets sur environ un an (Shinjuku Swan, Love And Peace, TAG, Minna Esper Dayo, The Virgin Psychics, Hiso Hiso Boshi, Madly), ce qui avait de quoi effrayer tout individu craignant que Sion Sono devienne le nouveau Takeshi Miike. Mais après la diffusion française de Love And Peace et TAG et les différents échos sur les autres projets, Sion Sono semble être rentré dans un arc plus personnel au sujet de son cinéma, excepté Shinjuku Swan.
Le réalisateur nippon a reconnu lui même que Love And Peace était l'un de ses projets les plus personnels, TAG est tout de même personnel pour un film de commande, The Virgin Psychics est une vision personnelle de Minna Esper Dayo et enfin Hiso Hiso Boshi vient d'un scénario qu'il a écrit dans les années 90 et qui lui tenait énormément à cœur. Suite à ça, Sion Sono laisse présager un avenir radieux pour sa filmographie, en espérant qu'il continue à traiter ses films de commande comme TAG et non pas comme Shinjuku Swan.
Au final, on peut dire que TAG n'est pas objectivement parlant l'un des meilleurs films de Sion Sono car il contient des défauts que des films comme Love Exposure, Suicide Club ou Himizu n'ont pas. Moins axé tout public comme Love And Peace, il puise sa force dans un onirisme et une douceur qui peut s'avérer par moment dramatique. Et contrairement à ce que peut dire l'Homme Étrange*, TAG est un film qui n'est jamais drôle et qui ne mérite que l'on s'esclaffe bruyamment, TAG se ressent paisiblement sur son siège, triste et mélancolique, parfois doux et innocent allant parfois jusqu'à être dramatique. Au final, TAG ne demande pas d'analyse, il nécessite simplement que l'on s'immerge, que l'on vive le film, qu'il vienne nous titiller notre sensibilité .. Que nous rêvions.
*Homme Étrange (nom invariable) : Homme très, voire trop bon public, déambulant l'Etrange Festival et le PIFFF rigolant et commentant bruyamment le film pendant sa projection, en hurlant "Ce mec est génial" quand il aime un personnage et ayant une profonde affection lui causant un rire bruyant venu du cœur quand un personnage dit "Fuck".