Take Shelter par Kroakkroqgar
En transposant le récit de Noé à la société américaine contemporaine, le réalisateur Jeff Nichols livre avec ‘Take Shelter’ une œuvre surprenante à la croisée entre drame et fantastique.
La réussite principale du réalisateur tient à l’ambiance dans laquelle il plonge le spectateur tout au long du récit. Le malaise démarre dès les premiers plans, et la tension qui plane au-dessus de nos têtes ne se relâche (à peine) qu’avec le plan final. La recette ne tient qu’à peu de choses : des plans magnifiques d’une nature vide et austère, une menace esquissée subtilement, une photographie pâle, mais surtout une excellente bande-originale de David Wingo tout à fait anxiogène.
C’est également l’incursion du fantastique, plutôt rare dans le domaine cinématographique, qui marque dans ‘Take Shelter’. Rien ne distingue les cauchemars de Curtis de la réalité, et ils constituent des passages véritablement angoissants pour le spectateur. Par ailleurs, le réalisateur a l’intelligence de ne pas en abuser, et de varier les méthodes de narration de ces instants de terreur. Pour cela, il peut compter sur Michael Shannon qui semble être fait pour le rôle, notamment lorsque son personnage est pris d’hystérie.
Mais le déroulement de l’intrigue suit également la logique vicieuse du courant fantastique. Avec un personnage conscient de sa potentielle folie, le spectateur peut facilement s’identifier à Curtis LaForche et le balancement entre explication rationnelle et surnaturelle n’est que plus prenant. En outre, l’œuvre propose une réécriture originale du mythe de Noé.
Un excellent drame à la lisière du fantastique.