Pour son deuxième long-métrage après l'estimé "Shotgun stories", Jeff Nichols ausculte les doutes et les angoisses de l'Amérique profonde, à travers la descente aux enfers d'un père de famille qui cède progressivement à ses obsessions.
A travers la crise existentielle de Curtis, dont les causes véritables constituent le moteur narratif de "Take shelter", c'est bien du pays dans son ensemble dont il est question.
Troubles psychiatriques liés à son histoire familiale ou au contraire visions prémonitoires d'une apocalypse imminente, que signifient les cauchemars horriblement réalistes dont souffre ce mari fidèle et père idéal d'une petite fille atteinte de surdité?
On ne le saura réellement que lors du dernier plan, et encore, celui-ci restant sujet à interprétation.
"Take shelter" brasse de nombreux thèmes du quotidien d'une Amérique rurale et ouvrière qui se précarise : difficultés financières, chômage, rapport à la religion, couverture médicale...
Avec en arrière-plan cette nature omniprésente, belle et hostile, grandiose et menaçante.
Si le film de Jeff Nichols ne manque pas de qualités, y compris formelles, je n'ai pas été spécialement séduit par cette histoire qui souffre de fréquentes longueurs et d'un rythme de sénateur.
Lorsqu'on a cerné les enjeux du récit, les séquences deviennent répétitives et le film a tendance à tourner en rond, manquant de passages véritablement marquants, à l'image des scènes de cauchemars, finalement assez convenues alors qu'une certaine radicalité aurait été bienvenue.
Reste l'interprétation habitée de Michael Shannon en ouvrier un peu fruste qui souffre de ses démons intérieurs, et la prestation convaincante de Jessica Chastain en épouse loyale et compréhensive.
Au final, "Take shelter" ne m'aura donc pas emballé, trop sage et minimaliste à mon goût, même si le film de Jeff Nichols reste pertinent dans son propos - et bénéficie d'ailleurs d'une très bonne réputation.