Choisir une phrase en introduction qui ne soit ni un aphorisme, ni une aporie. Voilà.
Tout le classicisme du mélo hollywoodien des années 50 semble exister, en germes ou en légères variations, dans "From Here to Eternity". Ce n'est pas de l’ordre du mélodrame aussi franc que ce qui caractérisera ce mouvement, mais il y a dans la mise en scène et dans le sens du tragique une certaine ligne directrice que l'on retrouvera dans la plupart des films américains de cette catégorie.
Rien que le casting : Burt Lancaster, Montgomery Clift, Ernest Borgnine, Frank Sinatra, Donna Reed et Deborah Kerr. Un sacré tableau de chasse. Lancaster et Clift, comme à leur habitude (dans tout ce que j'ai pu voir d'eux), sont excellents. Le premier dans la stature, le second dans l'introspection : ils sont très efficaces. Borgnine joue très bien le grand sergent connard et Sinatra constitue sans doute le maillon faible de cette chaîne, même s'il ne s'en sort pas trop mal. Les deux couples formés sont intéressants, et on retient notamment la séquence « carte postale » par excellence dans laquelle Lancaster et Kerr s'embrassent, sur la plage, au milieu des flots : l'image a fait le tour du monde.
On peut regretter le côté archétypal du film, une sorte de monument de l'académisme hollywoodien. Mais la retenue dans le mélodrame change légèrement la donne (y compris dans la mise en scène, assez sobre, très fonctionnelle), sur fond de basculement historique, à la veille de l'attaque de Pearl Harbor en décembre 1941. "Tant qu'il y aura des hommes" s'intéresse presque autant à l'amour qu'à l'amitié, et la relation qui unit Lancaster à Clift reste subtile, plurielle. On a un peu de mal avec le recul à comprendre d'où est sortie la pluie d'oscars et la réputation d'un tel film, mais ce ne sera pas la première fois dans l'histoire du cinéma. Restent tout de même cette atmosphère pesante à Hawaï, cette omniprésence de la mélancolie et les désillusions qui s'enchainent chez ces personnages errants, tous plus paumés les uns que les autres.