dans cette réalisation aux allures de film bien construit, Todd Field ne prend jamais aucune position. Il fait même preuve de talent dans son usage de stratégies d'évitement. Tàr est-il le portrait d'une femme de pouvoir complexe? Peut-être. Tàr est-il un commentaire sur la "cancel culture"? Peut-être. L'opacité et la monotonie de la narration font planer un doute qui permettra surement à chacun d'y voir ce qu'il voudra... mais à quoi bon? Todd Field a envie de parler d'actu. Todd Field n'a rien à ajouter. Opacité donc.
Tàr raconte comment une cheffe d'orchestre célèbre tombe en disgrâce suite à des accusations d'abus de pouvoir. Malgré le fait que le film soit entièrement réalisé du point de vue de Lydia Tàr elle-même, aucun des événements dont elle serait "coupable" n'est partagé avec nous. Que s'est-il vraiment passé avec Krista Taylor? Avec Francesca Lentini? Au lieu de nous donner accès aux souvenirs de son personnage principal, Todd Field choisit de nous montrer ses rêves ou ses angoisses. Pourquoi? Certaines critiques vantent les mérites de ce dispositif scénaristique. Il permettrait soi-disant d'inviter les spectateurs à se faire leur propre avis, à avoir une conversation nuancée plutôt qu'à tomber dans la facilité du jugement. Mais à mon sens, la nuance vient de la transparence et toute conversation digne de ce nom se base sur des faits. À partir de cette opacité construite avec précision, il est donc impossible de développer une véritable empathie pour ce personnage qui n'assume rien, pas même envers ses spectateurs, nous. Et c'est cette malhonnêteté qui est au coeur des dysfonctionnements de Tàr: Todd Field ne contribue pas à entretenir une conversation éclairée sur son sujet. Il fait le choix du conservatisme: nous montrer les conséquences sans les actes. Fabriquer du doute jusqu'au bout pour limiter notre discernement.
au-delà du scénario, le montage et la mise en scène m'ont également semblé peu inspirés. J'ai rarement vu un film de 2h30 qui ne cherche pas au moins une fois à faire acte de cinéma. En particulier dans le monde de la musique. Je pourrais vous raconter l'histoire à l'oral autour d'un café, ce serait pareil.
pour ce qui est du milieu de la musique classique lui-même, no comment. Je pourrais dire que j'ai pris plaisir à observer son architecture et son language... Peut-être. Mais ce n'est pas un film sur ce milieu à proprement parlé et l'étalage de ce savoir spécifique à la table de beaux restaurants ne m'a pas intéressé outre mesure.
en bref, j'ai l'impression d'avoir regardé 2h30 de langue de bois cinématographique. Une vision "prudente" d'un sujet d'actualité dans un film qui n'est ni vraiment beau, ni touchant, ni même stimulant intellectuellement parlant.