Todd Field nous revient avec son troisième film en tant que réalisateur pour nous présenter "Tár", avec la grande Cate Blanchett en cheffe d'orchestre froide. Ce troisième métrage est une réussite ou une immense cacophonie ?
"Tár" est un film immense dès son premier visionnage ! Un métrage hanté, porté par une Cate Blanchett hallucinante et qui nous plonge dans les affres du pouvoir, mais aussi le tourbillon de la création. Où Lydia Tár se pose en figure prédatrice dans une histoire où l'effacement du personnage prend tout son sens.
Visuellement, le film profite d'une mise en scène millimétrée ! Au travers de plans calibrés, on pourrait penser que le métrage est bien froid, voire trop formel. Mais la mise en scène de Todd Field est en réalité l'outil principal pour magnifier son récit, où la caméra pose et déploie le royaume de Lydia Tár, alors au sommet de sa gloire au début du métrage. Pour ensuite mieux fissurer le tout et suivre la chute du personnage. Car le réalisateur nous prépare à l'issue inexorable de cette cheffe d'orchestre, par de subtils détails avant de nous emporter dans ce tourbillon.
Car le film nous parle de l'hubris, de la chute. Au détour quelques plans, une pincée d'ellipses, tout s'écroule pour notre personnage principal, pour voir littéralement l'icône s'effondrer sur scène dans une scène qui nous frappe à l'estomac ! Todd Field s'affère à être le plus méticuleux possible dans sa caméra, tout en y apportant quelques touches qui vont venir frôler le surnaturel, comme un rêve fiévreux, celui de Lydia Tár.
Maîtrisé visuellement, le film porte aussi un atout de taille : la grande Cate Blanchett ! Dans ce métrage, elle crève littéralement l'écran par une précision de jeu hallucinante. Le rôle avait été écrit pour elle, et l'actrice nous démontre une nouvelle fois qu'elle est l'une des plus grandes actrices de ces dernières années.
Le métrage possède bien des grilles de lecture, tant il aborde de multiples sujets : l'Homme vs l'Artiste, l'Art et la Morale... Le métrage nous parle également de la Cancel Culture au travers de scènes mémorables. Et réussit à éviter de tomber dans une charge anti-"Woke", et plus globalement le scénario évite de tomber dans les clichés, en évitant les positions tranchées pour laisser place à un espace de réflexion. Le film pose également la question : est-ce qu'il faut reprendre les codes masculins du pouvoir ? Car Lydia Tár est bien loin de l'analyse du mâle oppressant, sans pour autant être anti-féministe, loin de là ! En explorant la variation du genre, le métrage s'attarde davantage à dérégler la réalité du personnage qu'à apposer un jugement, l'empêchant de tomber dans son propre piège et de proposer une réflexion intéressante sur la figure de pouvoir, en s'affranchissant de la question du mâle dominant. Et cette question n'est qu'une des nombreuses clés de lecture du métrage, qui s'attarde sur bien des sujets, nous laissant continuellement avec des questions et des attentes, pour nous laisser empreint au doute même après le générique de fin !
En conclusion, "Tár" est un film qui nous hante encore après son visionnage. Avec une Cate Blanchett effarante, le métrage nous plonge dans ce labyrinthe parfois aux limites du film surnaturel. Mais si la forme est parfaite, le métrage accuse une durée boursouflée qui essouffle un peu le tout.