Son nom de famille,Tár, est à l'image de la personnalité de l'héroïne du film de Todd Field (de retour après une longue éclipse) : sophistiqué et sec. Cette cheffe d'orchestre, à l'apogée de sa carrière, aussi brillante dans une masterclass qu'au pupitre devant l'orchestre symphonique de Berlin, le long-métrage va, dans un premier temps, nous la faire découvrir, à travers son quotidien, avec déjà quelques dissonances qui trouveront leur développement dans une deuxième partie qui va évoluer bien plus crescendo. Entre temps, certains auront peut-être été rebutés par la froideur de l'ensemble et son exigence, pour ne pas dire aridité, fermant peu ou prou la porte aux profanes de la "grande musique". Est-ce vraiment un film autour de la culture de l'annulation (Cancel Culture) et de la confrontation entre vieux et nouveau monde ? En partie, certainement, mais ce n'est qu'une vision partielle d'un long-métrage qui semble s'embarquer dans une sorte de symphonie fantastique, à partir d'une scène-clé qui annonce un dérèglement des sens (et du sens ?), comme si David Lynch avait pris les commandes. Attention, spoiler, il y a un ourson dans le passage incriminé . Et que dire des derniers instants de Tár, complètement dingues ? Au débit du film, on pourrait certainement mettre son absence d'émotion, son caractère trop complaisamment énigmatique et l'attention très secondaire accordée aux rôles des pourtant impeccables Nina Hoss et Noémie Merlant. Mais à son crédit, et c'est énorme, figure l'époustouflante Cate Blanchett, pour qui le film a été spécialement écrit. Sa performance, à elle seule, vaut la peine de rester patient devant une œuvre déterminée à ne pas nous offrir toutes les clés de sa compréhension sur un plateau.