Lydia Tar est une chef d'orchestre, ça se passe mal, yadi yada.
Attention SPOILER. Voilà c'est dit.
C'est un film exceptionnel, parce qu'il arrive à nous proposer un personnage hors du commun joué par Cate Blanchett juste parfaite, et à nous le représenter dans sa complexité.
Les premières secondes où elle apparait à l'écran donnent le ton. Elitisme et maitrise de son sujet. Elle arrive à parler de la musique classique avec une connaissance absolue, avant ensuite d'exposer son idée principale, la chef d'orchestre, elle, est celle qui dirige de manière absolue l'orchestre.
Cette maitrise totale de l'orchestre, et de sa vie est réalisé par Lydia de plusieurs façons, tout d'abord en opérant une sélection selon ses critères, souvent affectifs, mais aussi en manipulant les gens par son emprise psychologique. On peut penser d'abord à Kaplan, dans un intérêt économique, mais aussi à Franscesca, en lui promettant un poste prestigieux. Sa femme résumera bien la chose "Toute tes relations sont transactionnelles".
Arrive enfin le point de rupture, qui, issu du passé, vient établir un parallèle fracassant avec le mouvement me too. Qui sera référencé à plusieurs reprises. D'abord de façon grossière, avec le personnage fantasmé du woke à Juliard qui n'écoute pas Bach. Probablement trop grossier pour que l'échange soit véritablement apprécié. Ensuite par les montages vidéos, et ensuite par les manifestations devant les prestations.
Elle ne peut pas, dans un blueball magnifique, même jouer son oeuvre et doit réaliser que même sans elle, les musiciens continueront de jouer. Et elle réalise enfin qu'elle est dispensable.
Notre personnage, déclassé, se retrouve à devoir retourner, d'abord aux sources, dans sa maison, où elle retrouvera, enfin, la musique de sa nostalgie, grâce à un Bernstein tout en simplicité, "la musique c'est les sentiments", aux antipodes des explications de Lydia du début (non pas que ses explications soient dénuées d'intérêt), et ensuite en thaïlande, où elle sera elle aussi victime de sexisme, mais aussi, enfin, confrontée à sa propre image de prédatrice. Elle entre dans le salon de massage comme un homme et on lui propose les mêmes services qu'un homme.
Ce déclassement n'est pas uniquement financier, à n'avoir confiance en personne, elle se retrouve dépassée par la technologie (elle suggère de supprimer des mails quand les live fb existent), mais aussi par d'autres femmes, sa femme Sharon, bien moins docile que ce que notre première impression pouvait présager, sa "protégée", la même mais en mieux ?, son assistante, complice, mais qui quittera le navire le moment où son silence ne sera pas remercié.
Finalement, Lydia, comme beaucoup, est excellente dans ce qu'elle fait, mais est devenue tellement engoncée dans son art qu'elle en a perdu la raison de le faire. Son absence totale de sentiment extra musicaux se transforme en une incapacité totale de créer, comme vu dans sa tentative désespérée de composer. Son art devient alors son seul moyen d'assouvir sa passion du pouvoir sur les autres. C'est en ce sens que l'échange du début à Juliard trouve peut être grâce. Un échange peut être un peu plus en profondeur et égal aurait peut être bénéficié aux deux individus. Cette scène, que j'ai trouvé grossière, est néamoins indispensable pour comprendre la philosophie, et l'hypocrisie de Lydia Tar. Elle explique d'un côté la nécessité de devoir laisser de côté son égo, chose qu'elle ne fera finalement que dans la séquence finale.
C'est cette sélection finale dans le salon de massage qui met en évidence toutes les sélections passées. Ici, elle doit choisir directement sa proie, comme, finalement, elle le faisait également avant, même si elle devait pour cela regarder sous l'aquarium pour apercevoir les pieds.
Elle est confrontée à son passé de prédateur, et finit réduite à son rôle de métronome, devant battre la mesure pour une projectionn filmée, donc avec un temps fixe.
Tar est pour moi une véritable masterclass. Certains points sont pour moi légèrement discutables. Tout d'abord la scène à Juliard est trop parodique pour être prise au sérieux. On regrettera également de ne pas avoir pu assister à la représentation finale, ultime pied de nez au spectateur, mais aussi à Lydia, et à la scène finale, un peu trop grosse, la grande chef d'orchestre classique qui doit jouer pour la japan expo dans un délire presque sadique, faisant directement référence au cimetière évoqué précédemment.
Je n'ai aussi pas compris la mort de la voisine. Avertissement ? Les scènes de rêves étaient peu utiles. Et l'intérêt de la fille de Lydia et Sharon était aussi un peu limité, ou aurait mérité qu'on s'y attarde plus (menacer une des copines de classes est un truc à faire apparement ?).