« Tatsumi » c’est la vie et l’œuvre de Yoshihiro Tatsumi, pionnier du gekiga, terme qui sert à désigner les mangas orientés vers les adultes. C’est aussi la rencontre avec Osamu Tezuka, le « Walt Disney japonais », pour qui Tatsumi a un profond respect et la fierté d’avoir « vécu à la même époque que lui ». À ce titre, le film est aussi une réflexion sur l’art du manga. Enfin, il serait impossible de nier la réflexion sociale sur le Japon d’après-guerre, en proie aux fantômes persistants de la bombe nucléaire.
Le cinéaste singapourien Eric Khoo a eu une ambition quelque peu démesurée en voulant mêler tout cela dans un unique film. Le résultat est que le récit est bancal, les temps morts sont nombreux et un certain flou ne lâche pas le spectateur perdu dans les jonglages incessants du réalisateur entre la biographie de Tatsumi et des scénettes inspirées du travail du mangaka.
Ainsi, 5 des nouvelles du dessinateur japonais ont été utilisées : « L'Enfer », « Monkey mon amour », « Juste un homme », « Occupé » et « Good bye ». Les trois dernières peinent à convaincre et sont vite oubliables tandis que « Monkey mon amour » mise tout sur le final pessimiste et sanguinolent. Seule la première histoire est un réel succès.
Car ce qui caractérise « Tatsumi » et semble même être l’aspect le plus réussi du film, c’est la retranscription historico-politico-économico-sociale du Japon à la fin de la Seconde Guerre-mondiale, pays brisé par la bombe nucléaire, une économie en berne et une perte de souveraineté manifeste. Alors cette histoire de photographe qui croit avoir pris en photo la dernière preuve de douceur entre une mère et son fils à Hiroshima avant la bombe nucléaire prend tout son sens et paraît comme la plus réussie du film.
Ailleurs, l’identité visuelle pourtant originale du film ne parvient pas à transcender un récit plat et confus. Les autres thématiques abordées ne présentent pas le même intérêt et nous décelons même ici ou là quelques redondances malvenues. Un film raté sauvé par l’adaptation de « L’Enfer ».