Quel bonheur d'être la première à rédiger une critique sur un si grand film, une immense surprise parvenue jusqu'à moi par je ne sais quel heureux hasard du jeu des recommandations.
Teddy Bear, c'est l'histoire de Dennis, un body-builder danois de 38 ans, qu'une timidité maladive envers le sexe féminin empêche de nouer une quelconque relation avec une femme. Il passe ses journées entre la salle de sport où il entretient sa montagne de muscles et la maison où il vit avec sa mère. On ne peut qu'être immédiatement attendri par ce colosse qui semble s'excuser de vivre en permanence : sa corpulence de titan est un leurre, Dennis est un homme timoré, gentil à l'extrême, qui s'est laissé, année après année, écrabouiller par une mère des plus castratrices.
Je reviens un instant sur l'acteur principal, incarné par un Kim Kold : cet individu m'a époustouflée par la justesse de son jeu, l'émotion qu'il parvient, en si peu de mots, à faire passer, la bienveillance qu'on lit dans son regard, la tendresse qui se dégage du moindre de ses gestes. Je me suis demandée où le réalisateur avait pu trouver un acteur portant si parfaitement ce personnage, me disant qu'il avait dû inventer l'histoire à partir de lui.. La mère, personnage essentiel du récit, est également incroyable, regard tranchant et bouche pincée, son visage dit sa dureté, son absence de tolérance, sa violente intransigeance qui n'a qu'un unique objet : son fils.
Inspiré par son oncle, qui a trouvé l'amour en Thaïlande, Dennis décide d'aller tenter sa chance à Pattaya. Seulement, une fois sur place, la très glauque réalité du tourisme sexuel le rattrape, inhibant un peu plus celui qui, au fond, ne cherche que l'amour et un regain d'estime de soi. Certaines scènes mettent particulièrement mal à l'aise, se rapprochant du documentaire, montrant une réalité sociale sordide, celle d'une femme s'acceptant objet, automate sans âme, perroquet récitant toujours le même discours ; j'ai eu grand mal à accepter de voir tout cela. Pourtant, après le pathétique vient un temps plus doux, que je ne révélerai pas pour ne pas déflorer une histoire au scénario des plus singuliers et aux rebondissements intenses.
Pourquoi donc une telle note ?
Pour la beauté des images, la mise en scène au cordeau, rendant très bien la montée de tension, la photographie parfaitement révélatrice du questionnement du personnage : tout y est magnifiquement filmé, de bout en bout, sans aucune effet de manche et sans jamais chercher à faire esthétique, se reposant simplement sur la vérité que livrent les personnages face caméra. L'histoire vous fait passer par toute la palette des émotions - de l'attendrissement absolu face à ce nounours plein de p(l)eurs rentré(e)s à l'agacement face à ce grand bonhomme incapable de rabattre le caquet à son affreuse génitrice.
J'ai également aimé la subtilité d'un scénario jamais manichéen : même dans les pires moments d'échange entre Dennis et sa mère, on ne peut que sentir l'amour qui les lie et, malgré la terreur que ressent le spectateur, j'ai aimé qu'on me garde cette petite fenêtre lumineuse.
Psychanalytiquement parlant, c'est un film fascinant sur les désastres que peut causer sur son fils - sur sa vie sentimentale, sociale et sexuelle - une mère castratrice, manipulatrice, s'appuyant sur le chantage affectif, n'hésitant pas à aller vers la plus impensable destruction pour garder sous sa coupe le plus grand amour de sa vie, qu'elle culpabilise à merci pour mieux en faire son joujou.
Je voulais mettre un 9 mais j'ajouter un point de bonus, totalement arbitraire et gratuit, parce qu'il s'agit d'un film danois, et que moi, vraiment, leur cinéma, leurs acteurs (Vinterberg, Mikkelsen, The Killing...) : j'achète pour l'instant tout ce que j'ai vu.
Bref, un très grand film, intense, vrai, beau, physique, cruel et touchant à la fois - une merveille.
Faites-vous plaisir, voyez-le : le 7ème art dans ce qu'il peut avoir de plus renversant.