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Cette proposition est susceptible de heurter la sensibilité des personnes n'ayant pas vu le film.
Plus que la frontière israélo-palestinienne, c'est la frontière du comique que traverse le réalisateur israélien Sameh Zoabi. Dès la scène d'ouverture il se réapproprie, avec dérision, l'imagerie des soap-operas israéliens : décors peints, éclairage artificiel et zoom grossier. Un registre qu'il assume jusqu'à la fin du métrage et qu'il mêle subtilement avec la vie quotidienne qu'il met en scène beaucoup plus sobrement. C'est un contraste qui devient progressivement infusion. Ainsi, on ne sait plus très si bien si c'est le soap-opera qui devient réalité ou si c'est la réalité qui devient un soap-opera. C'est sûrement un peu des deux et c'est justement ça qui en devient drôle. Celle-ci fait naître des scènes et des lignes de dialogues incongrues, lorsque par exemple l'officier israélien, devenu coscénariste, kidnappe le scénariste palestinien et lui reproche après s'être chamaillés « Tu m'avais promis un mariage ! ». Ici, le poste-frontière devient un laboratoire tant de l'écriture du feuilleton que de l'écriture plus symbolique du conflit israélo-palestinien. Si dans un premier temps, l'israélien veut imposer son écriture de l'histoire, celle du palestinien prend progressivement de l'assurance et s'émancipe de celle-ci pour en écrire une nouvelle, qui satisfait chacun. Une écriture brillante aidée par un montage vif qui a la maîtrise des ruptures radicales qui n'attendent par le rire. Le réalisateur a compris que c'est aussi par le rythme que passe la réussite du rire.
Par ce personnage principal, le réalisateur revisite la figure déjà vue de l'anti-héros, un personnage gauche, incompétent sorte de grand dadais nonchalant auquel on s'attache malgré tout. Un Gaston Lagaffe en somme. Eh bien, c'est ce personnage maladroit qui servira de pont entre les deux communautés et qui permettra ainsi de désamorcer le contexte, d'en rendre risible certains aspects. Cela se fait parfois au détriment de l'écriture des personnages secondaires, qui apparaissent comme des personnages vitrines : le réalisateur omnipotent et les assistants soumis, la costumière se rêvant actrice ou encore les sous-officiers zélés. Mais contre toute attente, quoique caricatural, ce n'est pas gênant pour apprécier l'humour subtil du film. Un humour plus subtil, qui s'autorise quelques clichés comme la récurrence comique du houmous déjà vue dans Rien que pour vos cheveux (2008), qui s'attelait déjà à désamorcer la gravité par le kitch, le loufoque et le vulgaire.
Une reproche pourrait toutefois lui être imputé : En désamorçant, pour mieux dénoncer sûrement, le réalisateur gomme quasiment toutes les aspérités dénonçables dans cette cohabitation au sein du territoire.
Cela reste une proposition, qui ne se prétend ni éclairée ni éclairante mais sincère, en suspens et soumise aux avis contraires et constructifs.