En 1979, ça crépite au bout du fil. Le groupe Téléphone vend 300 000 albums suite à l'édition de Crache Ton Venin, son second opus, qui touche en plein cœur une génération post-soixante-huitarde qui ne souhaite pas vraiment devenir adulte pour affronter un monde considérablement industrialisé. Téléphone, à cette époque, n'est pas encore vampirisé par la FM et les mélodies sirupeuses qui le rendront mythique. Le groupe incarne encore l'agressivité exacerbée d'une nouvelle fraicheur et la représentative gémellité d'une jeunesse qui souhaite mettre le monde à son heure.
C'est armé de sept caméras que le célèbre photographe Jean-Marie Périer dresse le portrait d'un groupe en pleine ascension. Avec ses scènes de concerts métamorphosées en transe collective, ses regards en coulisses et ses différents entretiens, Téléphone Public reste une œuvre survitaminée qui démontre amplement une forme de victoire adolescente par l'intermédiaire d'une musique communément rejetée par le monde adulte d'alors.
Ici, tout n'est que rébellion où transparait un mal-être humain qui se développera toujours plus pour devenir un véritable fléau sociétal contemporain. Drogue, dépression, suicide ou encore esclavage moderne sont ainsi abordés dans les chansons et autres causeries plus ou moins profondes et matures selon les membres du groupe. Périer capte néanmoins l'essentiel et comprend que c'est avant tout la vitalité du groupe lors de ses concerts qui créé le phénomène.
Bains de foule habilement filmés, utilisation intensive de split screen largement influencé par le génial précurseur Woodstock de Michael Waldleigh et mouvements de caméra aussi fluides qu'inspirés offrent à Téléphone Public un regard pertinent sur une époque révolue dans sa forme, mais dont l'étude de mœurs n'a pas changé d'un iota quant à son fond au sein du mouvement freecore actuel.
La musique change mais la révolte gronde toujours.