MaJ : à la deuxième vision du film, il faut admettre que tout ceci semble moins indigeste et on commence à y voir clair. Nolan a le mérite d'aller loiiin dans son concept et je pense qu'une mini série aurait été parfaite pour fluidifier l'intrigue en laissant plus de place aux personnages (mais il ne fera à priori jamais de série). Tenet est donc réussi et prenant mais tout est sous vide, tiré au cordeau. Donc +1 car j'avoue humblement qu'une vision ne m'a pas permis d'apprécier le film a sa juste valeur. Mais je reste sur ce que je disais la dessous :
Les paradoxes temporels ont le pouvoir de soulever une vague de questions délicieuses que seule la fiction permet d'explorer. Ils ne me posent donc aucun problème, au contraire. Avec Tenet, Nolan va se lancer à corps perdu dans un nouveau puzzle filmique qui aura pour toile de fond, une nouvelle variante à sa thématique favorite : le temps. N'en dites pas plus et prenez mon argent Mr. Nolan !
L'écran IMAX face à moi s'apprête alors à ravir mes yeux impatients. Puis, un gigantesque TSOIIIIN retentit. Aah c'est bon d'être à la maison.
Et il faut dire qu'après un Interstellar qui faisait enfin la part belle à l'émotion et un Dunkerque plus minimaliste et resserré, j'étais vraiment curieux de voir ce qu'allait explorer Chris ici.. et c'est en terrain connu qu'il va nous amener avec Tenet. On est dans un Inception-like mêlant espionnage et SF, ce qui n'est pas pour me déplaire. Mais les petites choses qu'on peut reprocher au réal (et que je lui ai souvent pardonné) m'ont malheureusement ici sauté à la figure :
3) Le trouble volontaire. Tenet m'a réellement paru bancal dans sa façon d'exposer sa trame. C'est à l'aide d'un déferlement de scènes dialoguées aussi explicatives qu'opaques qu'il pose son récit. Interstellar et Inception usaient déjà de ce même type de séquences peu cinématographiques... mais ici, ça m'a carrément rappelé Westworld saison 02 ; où le manque de clarté semble voulu pour noyer le poisson (spectateur) dans un récit qui n'est finalement pas si complexe qu'on veut bien nous le faire croire.
2) Les enjeux ? C'est quand on prend un peu de recul sur tout ceci qu'on comprend que Nolan rend volontairement sa narration alambiquée. Sans ces artifices, il ne reste qu'une banale histoire de grand vilain narcissique ayant le sort du monde entre ses mains. Je schématise bien sûr, mais certaines scènes maladroites (avec Kenneth Branagh notamment) révèlent une certaine vacuité dans le récit que la forme ne parvient plus à dissimuler. Sans parler du Mc Guffin prétexte de "l'Algorithme".
1) L'implication du spectateur. Nolan s'est souvent reposé sur des acteurs charismatiques pour compter sur l'identification à ses personnages. C'est encore une fois le cas.. mais le manque d'enjeux forts s'avère très pénalisant ici. Je dois dire que cette histoire d'espion hyper entraîné et pragmatique qui se plie en quatre pour qu'une mère ne subisse plus les affronts d'un tyran (alors qu'il doit sauver le monde) m'a vraiment laissé sur le carreau. Ce qui semble être le moteur émotionnel du film n'est absolument pas ce qui intéresse Nolan.
Ce dernier avait dit avoir écrit Inception sur une dizaine d'années et qu'il lui a manqué pendant longtemps le moteur émotionnel de son récit (qui sera le personnage de Mal incarné par Marion Cotillard).
Pour Tenet, on sent bien que c'est pareil : Nolan a une idée high concept de matheux qui le fait vibrer, il cogite des nuits durant en imaginant toutes les possibilités visuelles que cela va lui offrir et une fois que tout s'imbrique bien pour son histoire, il doit se dire "et merde j'ai oublié l'émotion !"
Du coup, elle revêt encore ici un visage féminin et le personnage de Katherine s'avère assez ennuyant. Elle subit ce qui lui arrive quasiment tout du long et demande au preux Protagoniste de lui venir en aide. Accusé à plusieurs reprises d'avoir des personnages féminins en retrait, Nolan peine encore à donner de l’épaisseur à celui d'Elizabeth Debicki.
Assume ta froideur Nolan et ne t'encombre pas d'une sous-intrigue vaguement amoureuse dont tu te fous complètement.. et rappelle-toi que tu as été capable de créer des personnages féminins forts. Bon Catwoman est le seul exemple qui me vient...
La froideur justement, c'est ce qui est génial dans Tenet. Cette scène d'intro à l'opéra menée à tambours battants est ce que j'ai vu de plus immersif depuis longtemps en salle. La violence des coups, le montage implacable, la colorimétrie dévitalisée ... Tout commençait pourtant pour le mieux.
On retrouvera bien entendu d'autres scènes mémorables où le concept épouse parfaitement la forme à travers de belles séquences de combats inversés et course-poursuites mindfuck (qui m'ont évoqué certaines séquences du Déjà vu de Tony Scott)... le spectaculaire est souvent au rendez-vous et cette exigence technique qui hisse Nolan au rang de cinéaste unique et immédiatement identifiable demeure ici.
J'ai pas envie que Chris s'abandonne à un film qui ne laisse plus sa place à l’empathie ou à l'inverse, qu'il s'inflige de trop gros défis (genre faire une comédie romantique). Mais on aurait aimé qu'il soit plus conscient de ses faiblesses pour garder l'équilibre sur un fil(m) aussi ténu que Tenet.