Parler de Tenet en tant que film n'a que peu d'intérêt s'il n'est pas mis en perspective avec le reste de l'oeuvre de Christopher Nolan. Et plus particulièrement son rapport au temps. Depuis son premier film, Memento, le réalisateur londonien est obsédé par le temps au cinéma. Le septième art, ce sont 24 images par seconde projetées de façon linéaire... sauf pour Nolan. Il se joue de la mémoire de ses personnages (Memento et Insomnia), de leurs rêves (Inception), de leurs souvenirs (la trilogie Batman), ou de la relativité du temps (Interstellar).
Quand il ne s'agit pas d'un procédé narratif, cela devient une astuce de mise en scène, comme dans Le Prestige, film qui peut être considéré comme une parabole de l'art de Nolan : un magicien manipule les esprits et les images pour mieux tromper son public. Tout est dit. Dans Dunkerque, ce sont trois dimensions temporelles qui se rapprochent au fil du film, jusqu'à se rencontrer.
Tenet pousse encore plus loin cette obsession en imaginant une formule qui permet aux personnages de manipuler le temps pour intervenir sur leurs actions, passées et futures. C'est malin mais maladroit. Cela pousse l'obsession de Nolan dans ses derniers retranchements mais ressemble trop à de l'esbroufe. La mise en scène reste virtuose (la scène d'ouverture, celle du cambriolage...) mais elle cache une confusion narrative qui perdra même les plus acharnés. Comme souvent, il faudra revoir le film, plusieurs fois, pour en tirer la substantifique moelle. Si elle existe...
Car toute cette complexité fait surtout perdre son temps au spectateur. A trop montrer ses muscles (ou son cerveau), Christopher Nolan semble avoir oublié que le cinéma peut être un art simple. Et que Les fraises sauvages d'Ingmar Bergman reste une des plus belles paraboles sur le temps qui passe au cinéma.