On ne peut pas reprocher à Christopher Nolan de prendre des risques et de proposer des concepts fracassants pour le grand écran. C'est grâce à ce genre de réalisateurs qui osent que le cinéma se renouvelle.
En revanche, Chris Nolan semble avoir oublié une donnée importante du film : le spectateur. C'est bien beau de vouloir rencontrer une histoire en forme de palindrome, ou des résidus post-apocalyptiques du futur permettent à des objets et des personnes de remonter le temps à l'envers, mais quel est l'intérêt si personne n'arrive à suivre l'histoire ?
Entendons nous bien, je n'ai rien contre une histoire un peu compliquée : j'ai particulièrement adoré Inception qui établissait de nouvelles mécaniques d'action, et les complexifiait au fur et à mesure, et le Prestige qui préparait soigneusement ses révélations finales. Tenet part à toute vitesse avec un concept bancal. On dirait que Nolan était tellement pressé d'arriver à ses moments d'actions qu'il a passé en mode accéléré tout le développement de personnage qui aurait permis de rendre un temps soit peu intéressant.
Si vous ratez les 30 premières secondes du film, vous manquerez donc deux retournements de situation au milieu d'une prise d'otage terroriste et l'introduction du Protagoniste, héros dont on sait juste qu'il est vraiment fort. Kat, le seul personnage du film à bénéficier un peu d'efforts de narration dévoile tous ses secrets à un inconnu une demi-heure après l'avoir rencontré. Quant au méchant, il faudra attendre le dénouement du film pour qu'il explique ses justifications au milieu d'explosions inaudibles.
Et parlons en du son. L'histoire étant déjà compliquée, accélérer le montage et augmenter les effets sonores n'aident en rien le spectateur à trouver sa place dans le récit. La seule façon de s'y retrouver demanderait de faire une pause toutes les 30 secondes avec un carnet et un stylo. Niveau narration, on pourra donc repasser.
Il nous reste donc les impressionnantes cascades fonctionnant à l'envers, qui seraient intéressantes si on savait ce qu'il se passait à l'écran. A ce niveau, autant se passer n'importe quel blockbuster à l'envers, et profiter de l'effet dit du Pabidabowie (copyright Mozinor).
Le film essaie aussi de se la jouer James Bond. Le problème c'est qu'il faut davantage que des costumes trois pièces hors de prix, et des véhicules de luxe pour devenir 007. Un des secrets de la franchise Bond est d'alterner l'action avec des moments de suspense où la musique et les décors prennent le temps de s'imposer pour le plaisir du spectateur. Rien de tout ceci avec Tenet qui ne propose aucune pause dans un déluge d'action, de bruit et de dialogues explicatifs inaudibles.
Il est impossible que Nolan ait consciemment sorti le film en se disant que les spectateurs allaient pouvoir suivre le récit. A ce niveau, il s'agit soit d'arrogance quant à son concept de scènes d'action fonctionnement à double-sens, ou l'espoir que le film sera assez intéressant pour que les spectateurs viennent le voir et le revoir pour comprendre ce qu'il s'y passe.
Ni le concept, ni l'histoire ne méritent cet effort. A ce niveau, Nolan devrait peut-être prendre une de ses fameuses machines et reprendre les bases narratives de son film à l'envers.
Pabidabowie !