Ayant explosé tous les records d'un tournage sous haute pression avec son magnifique Abyss, James Cameron aurait largement pu se reposer sur ses lauriers, ou au moins prendre des vacances en tournant tranquillement une gentille comédie romantique ou un drame dans un deux-pièces. Pas le genre du bonhomme, plutôt porté sur les défis techniques et les relations musclées avec son équipe du genre "je te fais frôler la mort mais t'inquiète, ça améliorera ton jeu". Heureuse coïncidence, le producteur Mario Kassar, alors à la tête de Carolco (qui boira la tasse cinq ans plus tard suite aux bides monumentaux de Cutthroat Island et Showgirls), vient enfin d'acquérir les droits du premier Terminator, bloqués depuis belle lurette.


Nanti d'un budget faramineux qui dépassera les cent millions de dollars (quand on vous dit que le gus ne fait jamais les choses à moitié), James Cameron va purement et simplement exploser les limites du blockbuster hollywoodien tel qu'on le connaissait à l'époque, mais aussi celui de séquelle, propulsant son concept de base vers des hauteurs insoupçonnables. C'est bien simple, Terminator 2 (ou T2 pour ceux qui étaient dans le vent) représente un pic, à la fois pour le cinéma d'action, pour James Cameron, et surtout pour la star Schwarzenegger, alors au sommet de sa popularité qui ne pourra que décliner après ça.


Si le premier Terminator était une modeste série B, un thriller nocturne typique des crades années 80, sa suite vogue vers d'autres eaux tout en restant extrêmement proche. Pendant plus de deux heures, James Cameron ne va rien faire d'autre que détourner son propre film, jouer avec les similitudes pour mieux dynamiter son histoire, son univers et ses personnages. Abordant l'ensemble comme une fresque guerrière, tout aussi intimiste que foutrement spectaculaire, il va accoucher, pour ma part, de son chef-d'oeuvre, de son oeuvre la plus parfaite, la plus complète.


Tout en offrant à son audience une palanquée de séquences à la pyrotechnie tout simplement dantesque encore aujourd'hui, et en poussant le domaine des effets visuels dans ses derniers retranchements (Spielberg et Lucas s'en souviendront), Cameron se concentre pourtant sur l'essentiel: l'humain. Car au milieu des explosions et des plans iconiques, le cinéaste esquisse une réflexion désenchantée sur la nature destructrice de l'homme, sur ce qui nous pousse invariablement à nous foutre sur la gueule pour pas grand chose.


Bien que parsemée d'un humour diablement efficace et jamais con, l'ambiance du film est lourde, pesante, même si Cameron choisit de croire en une porte de sortie, à une issue peut-être pas heureuse mais au moins pleine d'espoir, se refusant à toute fatalité, ce que viendront bousiller les opus suivants. Torturés, écorchés vifs, abîmés par des responsabilités bien trop lourdes, les personnages sont croqués avec une justesse et une sincérité prouvant le talent de conteur du cinéaste, loin d'être un simple bourrin sans âme.


Transfigurée, Linda Hamilton en impose, étonne à la fois par son implication physique et émotionnelle, tout à la fois badass et à fleur de peau. Son rejeton Edward Furlong, alors inconnu, laissait présager d'un réel talent malheureusement bouffé par l'ogre Hollywood, après de belles prestations dans Little Odessa ou American History X. Mais le vrai tour de force de James Cameron aura été de convaincre le chêne autrichien de passer du côté lumineux de la force, lui qui craignait de voir son personnage mythique totalement édulcoré. Conscient de l'aura sacrée de sa star et de son succès auprès du grand public, le papa d'Avatar parvient à le transformer complètement, à lui donner une toute autre dimension, jouant magistralement avec la censure et les attentes de ses fans. Un pari casse-gueule mais remporté haut la main, l'acteur n'ayant jamais été aussi attachant tout en restant fichtrement dangereux. Face à lui, Robert Patrick compose un adversaire aussi redoutable que marquant, rôle qui lui collera malheureusement à la peau.


Exemple parfait du blockbuster intelligent donnant à son audience ce qu'elle demandait sans jamais la prendre pour une vache à lait, Terminator 2 est un chef-d'oeuvre de divertissement, un putain de grand film aussi spectaculaire (ce triple climax, putain !) qu'émouvant, un regard amer sur la nature humaine qui ne baisse pourtant jamais les bras, confiant malgré tout en un avenir un peu moins sanglant.

Gand-Alf
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le 19 juil. 2016

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