Petite production, The Terminator va marquer les esprits en 1984. Le succès planétaire très inattendu du film devrait donc générer une suite, mais les années vont passer sans qu'une suite ne voie le jour.

C’est en 1990, suite au succès de Total Recall dans lequel Arnold Schwarzenegger s'est beaucoup investi, que ce dernier cherche un nouveau projet au niveau de sa stature. Pour l'acteur, il apparaît évident de proposer une suite à The Terminator et il réussi à convaincre les producteurs de Total Recall : la Carolco Pictures de financer le film. Mais avant d'envisager un tel projet, il est nécessaire d'obtenir les droits d'exploitation. La Carolco Pictures va débourser une grosse somme d'argent pour récupérer les droits auprès des deux entités qui les détiennent (Hemdale Film Corporation et la productrice Gale Anne Hurd).

Après cela, la Carolco rencontre James Cameron et lui explique que le film se fera avec ou sans lui car ils ont besoin d'un retour sur investissement. Les soucis juridiques écartés à coups de millions de dollars, James Cameron se retrouve à écrire rapidement un scénario en compagnie de Bill Wisher aka William Wisher Jr. (qui va faire un cameo dans le film), les deux hommes se connaissent bien ayant écrit Xenogenesis et The Terminator ensemble.

L'idée initiale de James Cameron était que la résistance humaine et Skynet envoient chacun un T-800, tous deux joués par Arnold Schwarzenegger, l'un pour tuer John l'autre pour le protéger. William Wisher pensait que cela ne sera pas très excitant. Ils décident alors d'utiliser une idée que James Cameron avait eu pour The Terminator : un Terminator en métal liquide. Son aspect est imaginé plus proche d'un homme de corpulence normale, pour contraster avec Arnold Schwarzenegger. Par ailleurs, les deux scénaristes s'entretiennent régulièrement avec Industrial Light & Magic pour savoir si leurs idées sont réalisables.

Le réalisateur James Cameron a voulu des effets spéciaux à la hauteur de son ambition : il a donc fait appel à trois sociétés différentes : Fantasy II Film Effects pour les séquences de guerre, 4-Ward pour l'explosion nucléaire et Industrial Light & Magic, la compagnie de Georges Lucas, pour l'animation du Terminator en métal liquide : le T-1000.

C’est bien cet être de liquide qui est à la fois un enjeu majeur de la narration et du spectacle visuel. James Cameron fut alors le premier à créer entièrement numériquement des personnages, grâce à la collaboration d’Industrial Light and Magic. Ni tout à fait aqueux, ni tout à fait terrestre, le T‑1000 prolonge la fascinante poétique des éléments déjà présente dans le personnage d’extra-terrestre de The Abyss, le précédent film de James Cameron. La créature au corps translucide, aquatique et lumineux y alliait elle aussi de manière spectaculaire le solide et le liquide.

Quant au T‑1000 interprété par le glaciale Robert Patrick, les balles laissent sur son corps des auréoles de métal comme de minuscules ondes de choc à la surface de l’eau, son corps fendu en deux par une barre métallique s’écarte comme une corolle de fleur avant de se refondre en un seul geste. Le feu et la glace s’y affrontent également : le corps cryogénisé du Terminator assassin, brisé en mille morceaux, se rassemble à nouveau sous l’effet de la chaleur d’une vaste usine métallurgique. Pour raconter le cauchemar prométhéen d’une humanité asservie par sa propre technologie, James Cameron donne au récit une puissante dimension cosmique, où, comme dans un poème halluciné, s’illustre génialement le vaste dérèglement du monde. L’ensemble du film est traversé par cette alternance entre un univers froid et bleuté, dominé par l’informatique et la technologie à haute dose et un vrai festival pyrotechnique d’explosions enflammées.

Étrange paradoxe : pour exprimer l’angoisse d’un monde gouverné par les machines, la création spectaculaire de James Cameron dépend plus qu’aucune autre d’une débauche innovante et virtuose d’effets spéciaux. Au fond le T‑800, c’est le cinéaste lui-même .

Terminator 2 : Judgment Day sort en 1991 et devient le film le plus chère de l’histoire avec un budget de 100.000.000$.

Dans ce chef-d’œuvre, James Cameron manipule constamment les apparences. Ici tout le monde se camoufle, à commencer par les deux robots envoyés depuis l’avenir,  le T‑1000 venu pour tuer le futur chef de la résistance John Connor et le T‑800 reprogrammé par John Connor adulte pour protéger se protéger lui-même.

Lors de la première course contre la montre entre les deux cyborgs à la recherche de John, le cinéaste détourne astucieusement les attentes du spectateur : le T‑800 a la gueule farouche et les muscles saillants d’Arnold Schwarzenegger, commence par braquer un bar, roule en Harley Davidson fusil à pompe à la main au contraire du T‑1000 au visage d’ange, à la silhouette frêle et à l’uniforme de policier. L’erreur et la frayeur du spectateur atteignent leur apogée alors que le T‑800 fait face au jeune John. L’instant d’après, le contre-champ révèle la présence du T‑1000. Ainsi la vraie nature des personnages ne se révèle pas par les apparences, mais par l’action.

La fascination de James Cameron pour la technologie reste le sujet d’un vaste débat, pour lui, la technologie est autant un outil de pure créativité qu’un danger potentiel (voire destructeur), qu’il s’agit alors de maîtriser et de transcender à des fins précises et réfléchies. Devant la caméra, cela se traduit par l’ajout de thématiques subtiles, lucides et alarmistes sur le futur de l’humanité, qu’il aborde en reliant harmonieusement chacun de ses enjeux narratifs et en déployant un sens imparable de la montée en crescendo. Et derrière la caméra, c’est tout simplement en subordonnant ses audaces visuelles à l’intrigue que James Cameron donne à la notion de spectacle ses plus belles lettres de noblesse, équilibrant le fond et la forme dans un tout parfaitement cohérent pour mieux laisser éclater le moindre petit symbole.

Le regard de James Cameron s’est toujours porté sur la collaboration entre les autorités et la science, surtout avec les progrès technologiques entourant le nucléaire en guise d’arrière-plan. Et c’est au travers d’une simple idée narrative, glissée malicieusement dans les deux films, que sa colère anticonformiste s’incarne de façon percutante : à chaque fois, le méchant du film agit sous les apparences d’un représentant de l’autorité (dans le premier il conduit une voiture de police et dans le second il commet des meurtres en habit de flic). C’est la logique du capitalisme, engoncé dans une quête de profits sans aucune place laissée aux qualités humaines, qui conduit à chaque fois le monde à sa perte. Avec cette image du Terminator comme stade terminal de cet état d’esprit, impitoyable cyborg chargé de terminer les derniers vestiges de l’humanité dans un monde voué à la robotisation imminente. Le Terminator, c’est nous.

Si le Terminator n’était dans le premier film qu’une figure menaçante qui propageait la mort sur son passage, il est ici à triple visage, bon comme mauvais. Déjà, la figure du T-800 est ici redéfinie pour devenir le défenseur de la cause humaine et, au travers des rapports avec la famille Connor, acquérir une image de figure paternelle, fatalement porteuse d’espoir aux yeux de Sarah Connor. Cette dernière incarne aussi un processus de transformation, mais dans le sens inverse : autrefois jeune femme que l’instinct de survie rendait profondément humaine, Sarah semble au contraire évoluer vers le destin d’une sorte de valkyrie nihiliste, désincarnée, quasi mécanique, clairement hantée par une fin du monde qu’elle pense inévitable. Quant à John, placé dans une famille d’adoption suite à l’internement de sa mère et devenu un ado délinquant, il voit dans le Terminator un authentique père de substitution, et lui inculque du même coup les bases de l’âme humaine.

Ce schéma familial est élevé au rang d’espoir suprême : une machine ressemblant de plus en plus aux hommes et une femme révélant sa fragilité derrière une apparence de guerrière d’acier, tous deux protecteurs du futur sauveur de l’humanité, qui prennent les devants dans une société qui n’en finit pas de prôner malgré elle sa propre extinction.

Dans ses moments les plus intimistes, le film se sert évidemment de l’alchimie formée par son trio de tête pour infuser son propos humaniste de façon aussi divertissante que limpide. La relation entre Sarah et John est complexe, mêlant amour, sacrifice, conflit et réconciliation. Linda Hamilton et Edward Furlong parviennent à capturer cette dynamique avec une intensité et une authenticité qui renforcent la profondeur émotionnelle du film, faisant de cette relation l'un des piliers de son succès.

Pour anecdote, Leslie Hamilton, la propre sœur jumelle de Linda, apparaît à plusieurs reprises dans le film. Elle joue le rôle du T-1000 quand celui-ci se transforme en Sarah Connor pour tuer John Connor, et celui de Sarah plus jeune dans la fameuse scène du rêve. Leslie est également dans le reflet du miroir lorsque Sarah accède au CPU du Terminator, dans la version longue du film. Les deux sœurs jumelles sont l'une en face de l'autre, séparées par un miroir fictif et répètent les mêmes gestes, ce qui permet à la caméra de se déplacer sans que son reflet ne soit visible dans la glace factice.

On retrouve aussi le personnage du Docteur Silberman, interprété par Earl Boen, chargé dans le premier volet d'interroger Kyle Reese pendant sa garde à vue au commissariat, et qui dans ce film prend en charge Sarah Connor au sein de son hôpital psychiatrique.

Pour assurer la transition avec le premier film, Brad Fiedel compose une nouvelle fois la musique sur la base du thème martial de The Terminator. A sa sortie, le film va pulvériser le box-office avec pas moins de 520.000.000$ de recettes et s'imposera comme un succès immédiat et écrasant. Dans ce cas, une suite est envisagée, mais James Cameron n'est pas franchement chaud à l'idée de revisiter une nouvelle fois le concept d'origine.

En plus du succès commercial, le film remporte l’Oscar du meilleur son, celui des meilleurs effets sonores, des meilleurs maquillages pour Stan Winston et enfin, évidement, des meilleurs effets visuels.

Terminator 2 : Judgment Day est une œuvre magistrale qui non seulement repousse les limites du cinéma d'action et de science-fiction, mais qui explore également des thèmes profonds de survie, d'humanité et de sacrifice. James Cameron réussit à créer une suite qui surpasse l'original par son ambition visuelle, ses effets spéciaux révolutionnaires et son récit captivant. La dynamique émotive entre Sarah et John donnent au film une profondeur inattendue, transformant une simple histoire de cyborgs en une réflexion poignante sur la nature du destin et de l'héroïsme.

StevenBen
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le 26 août 2024

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Steven Benard

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