Terminator 2 est avant tout une baffe monumentale dont on se remet difficilement et, pire encore, que l’on prend régulièrement plaisir à endurer. Une baffe dont l’élément-clé le démarquant des Matrix et Avatar – pour ne citer qu’eux – est son discours profondément pessimiste, voire nihiliste : l’avenir est sombre et incertain, l’être humain est foncièrement mauvais, seules des initiatives individuelles pourraient sauver l’Humanité de la catastrophe. Un point de vue alarmiste typique de l’animation japonaise et du mouvement cyberpunk de l’époque – citons pêle-mêle Akira et Ghost in the shell, Philip K. Dick et William Gibson – et quasi absent des grosses productions hollywoodiennes jusqu’alors, que James Cameron illustre par le cauchemar apocalyptique de Sarah Connor, un monument de mise en scène à la beauté terrifiante qu’aucun dialogue ni artifice ne vient perturber.
A cela s’ajoute une relation filiale aussi crédible qu’inattendue comme unique ressort affectif de l’histoire. Ainsi, en lieu et place de l’habituelle déclinaison amoureuse héros / blonde peroxydée dont la progression et la conclusion ne surprend plus personne, on observe avec intérêt la naissance d’un fils chez un gamin déraciné, celle d’une mère apaisée chez une Cassandre moderne et un père prendre vie dans une machine à tuer. De l’humanité et de la nuance dans un récit qui aurait pu virer à une confrontation binaire Homme vs Machine, voilà qui change des grosses ficèles habituellement tirées outre-Atlantique.
Et puis, bien sûr, il y a la traque de John Connor par le T-1000, ou la fragilité de l’Humanité résumée à un gosse sur une brêle gueularde poursuivit par un poids-lourd monstrueux. La scène classique de course-poursuite élevée au rang de métaphore, qui plus est avec une telle efficacité, a de quoi laisser rêveur nombre d’amateurs du genre. Et l’arrivée de Schwarzy au guidon de sa Harley rajoute à la brutalité du film, évoquée précédemment : les égouts à ciel ouvert de Los Angeles pour seul décor, aucune virtuosité dans la conduite, des coups de feu qui atteignent directement leur cible, la pure efficacité de deux machines qui s’affrontent sans état d’âme.
Enfin T2 se distingue par des effets visuels qui, bien que largement dépassés, datent assez peu le film, sans nul doute grâce à leur emploi judicieux et limité : la modélisation numérique, encore balbutiante à l’époque, ne fut employée que pour le T-1000, et le rendu liquide de celui-ci a certainement simplifié le travail des techniciens ; les nombreuses cascades réalisées à l’ancienne ont réduit l’utilisation de trucages, facilement décelables à l’écran. Et s’il y a bien plusieurs plans où l’on reconnaît distinctement visages et membres mécatroniques, cela s’apparente désormais plus à du folklore qu’à de véritables fausses notes.
Œuvre forte et complexe à plusieurs niveaux de lecture, Terminator 2 se veut à la fois un excellent divertissement d’action par son rythme effréné, une charge violente contre les excès technologiques de l’espèce humaine et un récit intimiste sur l’absence de repères. Un coup d’essai réussi dans la culture cyberpunk qu’on ne se lasse pas de redécouvrir.
P.S. : si le Director’s cut s’avère digne d’intérêt pour les nuances qu’il apporte aux personnages, la fin alternative de la version Ultimate Edition est clairement un désastre pour l’aura même du film et sa relative modernité évoquée plus haut. A éviter, donc.