¿ Si senior ?
Les gardiens du temple vous diront sans doute, depuis Le Jugement Dernier, que la saga Terminator, c'est plus trop ça. Ou le jugent comme tel, du moins, en forme d'affirmation péremptoire. Alors même...
le 26 oct. 2019
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On aurait pu penser que l’échec aussi bien critique que public de l’effroyable Terminator Genisys avait définitivement sonné le glas de la franchise initiée par James Cameron en 1984. Pourtant en restituant les droits à son créateur les lois sur la propriété intellectuelle allaient faire resurgir une nouvelle fois la série à la manière de l’endosquelette s’extirpant des décombres d’un semi-remorque dans le premier film. Trop occupé par le tournage des quatre (!) suites d’Avatar Cameron propose à Skydance de superviser et produire une nouvelle itération qui prendrait la forme d’une « legacyquel » ignorant tous les films depuis T2 qu’il confie au réalisateur Tim Miller dont il avait apprécié le Deadpool. Il convainc Linda Hamilton de reprendre son rôle de Sarah Connor, ce qu’elle avait refusé de faire pour le troisième volet, Arnold Schwartzenegger ne se faisant pas prier pour reprendre son rôle du T-800 aux cotés de jeunes comédiens incarnant une nouvelle génération de personnages devant tenir la vedette de suites ultérieures : Mackenzie Davis (Blade Runner 2049) et Natalia Reyes. une comédienne colombienne. Gabriel Luna vu à la télévision dans le rôle du Ghost Rider de la série Marvel’s Agents of SHIELD est choisi pour incarner le nouveau modèle de machine de mort le Rev-9. La supervision de l’initiateur de la saga et l’implication de Miller dont la mise en scène dynamique sur Deapool et ses projets annexes comme sa série animée Netflix , Love and Robots en collaboration avec David Fincher semblait offrir un pedigree idéal au film même si l’implication de pas moins de cinq scénaristes, Charles H. Eglee (prolifique scénariste de télévision co-créateur avec Cameron de la série Dark Angel) , Josh Friedman (showrunner de la série TV dérivée Terminator: Les chroniques de Sarah Connor et collaborateur de Cameron sur Avatar 2), David S. Goyer (Blade , Batman Begins, Man of Steel) , Justin Rhodes et Billy Ray (Capitaine Phillips, Hunger Games ou Gemini Man) au cours de son développement envoyait un signal inquiétant. La vision du film confirme t’elle ces craintes ?
Le premier Terminator est le film favori all time du rédacteur de ces lignes qui voit dans les films ultérieurs, y compris Terminator 2 : Le Jugement dernier (qui en dépit de son excellence, de l’apport du T-1000 et de la transformation de Sarah Connor porte en lui les graines de l’échec des suivants) comme des variations sur le thème agréables quand elles sont réussies mais qui ne remettent pas en cause la brillance de l’original , un film dont la boucle parfaite se suffit à elle-même. Nous y trouvons dans chacun à l’excepté de l’abyssal Terminator Genisys des moments réjouissants comme la conclusion sombre de Terminator 3 : Le Soulèvement des machines où l’univers post-apocalyptique plutôt convaincant de Terminator Renaissance. C’est donc avec bienveillance que nous attendions ce nouveau départ, la déception n’en est que plus cuisante. Terminator Dark Fate se heurte à la même contradiction que ses prédécesseurs : poursuivre l’histoire de Sarah Connor et de sa lutte contre les machines après Terminator 2 Le Jugement dernier implique d’en invalider la conclusion. C’est la raison pour laquelle McG avait choisi la voie de la séquelle -prequelle se déroulant durant la jeunesse de Kyle Reese pour Terminator Renaissance. On aurait pu penser que l’armée de scénaristes assemblée par Cameron parviendrait à trouver une solution élégante au problème, hélas ils optent pour l’option la plus paresseuse qui repousse les limites des probabilités avec l’émergence d’un futur répétant à l’identique les mêmes circonstances que le précédent : une IA baptisée L.E.GI.O.N au lieu de Skynet envoyant des Terminator (des série Rev- au lieu des séries T- ) dans le passer pour éliminer ses futurs opposants. L’enjeu du film se limitant au seul accomplissement de sa mission d’élimination , l’envergure du film semble trop limitée, là où ceux de Cameron prenaient soin d’ajouter à cette mécanique une dimension émotionnelle forte. En faisant de l’héroïne sur laquelle repose le destin de l’humanité sur une jeune mexicaine modeste Miller , Cameron et ses scénaristes glissent un commentaire sur le climat politique actuel des Etats-unis plutôt bien amené, les gardes frontières américains avec leurs drones et leurs centres de rétention de migrants illégaux semblent annoncer déjà le règne inhumain des machines. En revanche le discours pseudo-féministe vantant une sororité d’opérette est beaucoup moins convaincant , surtout quand il est écrit par un groupe exclusivement masculin, et apparaît comme une diversion pour masquer le manque d’originalité de l’intrigue.
James Cameron avait promis un film renouant avec la structure resserrée et tendue de ses films, en effet Terminator Dark Fate prend la forme d’un quasi-remake de T2 se concentrant sur la traque de la jeune Dani Ramos par le Rev-9, répétant des variations de confrontations entre le nouveau modèle de Terminator et les protecteurs de Dani dans différents environnements industriels jusqu’à un final qui abandonne les lois de la physique et du bon sens pour un enchaînement de climaxes si ridicules qu’ils semblent issus d’une parodie de blockbuster. La première demi-heure du film est réussie avec les figures classiques de l’arrivée des voyageurs temporels, l’acquisition de sa cible par le Terminator dans une usine automobile qui se conclue par une poursuite en voitures et une confrontation sur un pont autoroutier au cours de laquelle Sarah Connor fait son entrée. Tim Miller les emballe avec efficacité même si on sent déjà que les substituts numériques des acteurs ont des mouvements trop rapides et manque de poids et de texture. A mesure que le film avance les effets numériques prennent de plus en plus de place, les confrontations homme-machine victimes de loi des rendements décroissants sont de moins en moins engageantes , en dépit de quelques plans réussis comme celui du Rev-9 se couvrant d’épines tel un oursin empalant ses assaillants où une séquence de guerre futuriste (avec Tom Hopper de la série Umbrella Academy) qui pourrait toutefois appartenir à de nombreuses franchises de S.F. On ne retrouvera plus le coté viscéral des deux premiers volets (et même du troisième) dans les scènes d’action du troisième acte qui ne se résument plus qu’à des combats super-héroïques improbables dans des environnements numériques de moins en moins crédibles. Avec ce second film comme réalisateur Tim Miller ne se montre pas à la hauteur des espoirs placés en lui après Deadpool (par ce rédacteur en tout cas).
Seule authentique réussite à mettre à l’actif de ce Terminator Dark Fate le personnage de Grâce et son interprète Mackenzie Davis découverte dans la série Halt and Catch Fire et plus récemment au cinéma dans Tully et Blade Runner 2049. Grace est un véritable apport à la mythologie de Terminator comme a pu l’être le T-1000, ce concept de protecteur humain « augmenté » pour être capable de survivre une (brève) confrontation avec un Terminator est totalement cohérent avec l’univers des films précédents. Les conséquences de cette augmentation sont traitées de façon plausibles, ses souffrances évoquent celles qu’endurent Kyle Reese dans son voyage dans le temps. L’actrice qui s’investit physiquement et émotionnellement dans le rôle retrouve la fièvre et l’émotion du jeu de Michael Biehn dans le film de 1984. Mackenzie Davis est si impliquée qu’elle semble jouer dans un autre film, bien meilleur, que celui de ses partenaires. Espérons que le film puisse être un tremplin vers des rôles héroïques plus réussis tant elle semble taillé pour le genre. Linda Hamilton , dont le marketing du film met en avant le retour à 62 ans dans le rôle qui fit sa gloire, aurait sans doute mieux fait de rester dans sa retraite de la Nouvelle-Orléans plutôt que de revenir avec cette caricature de la Sarah Connor de T2. Si physiquement Hamilton, qui s’est entraînée dans le désert avec des Bérets verts tandis que des médecins lui ont prescrit des suppléments alimentaires et des hormones bio-identiques pour renforcer ses muscles, compose une figure frappante, parfaite évolution de la guerrière de T2, son personnage est victime du même problème que l’ensemble du projet : pour lui donner une motivation Dark Fate doit d’une manière ou d’une autre invalider la conclusion de Terminator 2 où nous l’avions laissé enfin en paix avec elle-même. Ce qui est fait dés les premières minutes du film , dans une séquence brutale post-T2, dont l’impact est diminué par l’usage extensif de CGI et de de-aging (une bonne métaphore de ce Terminator Dark Fate). Ce trauma conçu pour faire de Sarah à nouveau une figure brisée pleine de rage semble si artificielle qu’on ne ressent jamais l’émotion du personnage ainsi réduit à la figure de la vieille guerrière sarcastique tout en grognements qui se veulent badass.
Que reste t’il d un personnage légendaire qu’on prive de son iconographie et de ses caractéristiques les plus marquantes dans un film qui porte son nom ? La réponse se trouve dans le personnage de « Carl » un T-800 devenu vendeur de rideaux qui explique à Dani comment il a conseillé le meilleur motif pour une chambre d’enfants à un client… (cette scène figure bien dans le film). Cette évolution du personnage se veut la prochaine étape du processus d’humanisation introduit dans Terminator 2 : Le Jugement dernier , grâce au programme qui lui permet d’émuler des sentiments humains, logique poussée ici jusqu’ à l’absurde car il finit par vider le personnage de tout ce qui en fait le succès. On peut comprendre le désir des auteurs d’offrir une approche inédite d’une icone si connue mais ce refus de lui accorder ses attributs habituels fini par composer un personnage dépourvu du moindre intérêt. Ce n’est pas un hasard James Cameron ne fit prononcer à Arnold Schwarzenegger que 700 mots dans T2, les longs dialogues explicatifs dont il hérite ici lui retire encore un peu de son aura. Dieu sait si nous vénérons ici le chaîne autrichien mais il y a quelque chose pathétique de le voir ainsi, ne semblant plus savoir comment interpréter son personnage signature.La jeune comédienne colombienne Natalia Reyes ne démérite pas mais son rôle, sous écrit ne lui permet pas de faire plus. Dans le rôle de l’antagoniste du film Gabriel Luna livre une imitation relativement convaincante du T-100 même si il est incapable de faire ressentir aussi bien que Robert Patrick l’inhumanité de cette machine à l’apparence humaine. La conception de Rev-9 lui-même n’est pas très originale dans la franchise, le T-X de Rise of the machines combinait déjà un endosquelette et le métal liquide, sa faculté de se dédoubler ne va jamais au-delà du gadget sans doute plus séduisant sur le papier qu’à l’écran.
Conclusion :Le film aurait peut-être gagné à durer une demi-heure de moins et se passer d’Arnold mais en l’état Terminator Dark Fate trop long, malgré une excellente Mackenzie Davis, se délite complètement passé sa première demi-heure dans une photocopie numérique de films bien meilleurs et offre une sortie par la petite porte à Arnold Schwarzenegger qui cette fois ne reviendra pas…
Créée
le 22 oct. 2019
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