Présence de spoils sauvages.


Terminator : Dark Fate n'est pas foncièrement affreux parce qu'il chie à la gueule de toute la saga en se pensant supérieur à plus de la moitié de ses films; il n'est pas non plus insupportable et affligeant parce que Tim Miller est un tocard pas capable d'assumer qu'il a fait du mauvais travail, ou que James Cameron, bien décidé à produire ses suites d'Avatar (et elles coûtent sacrément cher), a trahi l'oeuvre de sa vie, celle qui lui donna une carrière, en nous faisant passer des vessies pour des lanternes.


Terminator : Dark Fate est une oeuvre répugnante parce qu'elle se dit injustement engagée, et qu'elle fait n'importe quoi avec les cartes dont elle dispose : féminisme idiot, propos anti-Trump d'une banalité et d'une simplicité effarantes, destruction des codes et des mythes pour en imposer de nouveaux plus édulcorés, prétendument originaux mais pompés en forme de synthèse grotesque de tout ce qu'avait pu faire la saga jusqu'ici.


Exit l'importance des hommes dans la franchise : il s'agira de détruire, dès les trente premières secondes du film et l'assassinat en images de synthèse d'un John Connor qu'on nous vendait faussement comme le retour d'Edward Furlong, toutes les figures paternelles et masculines d'une saga qui n'aura trouvé pour se réinventer que de foutre en l'air tout son univers, ses personnages, ses enjeux et ses idées novatrices dont la force évocatrice n'a jamais trouvé d'égal.


Et parce qu'il est dans l'air du temps de se montrer progressiste, l'histoire portera sur une jeune femme mexicaine agressée de toute part par le racisme des blancs, et le machisme de ce Terminator également mexicain érigé comme la figure ennemie du mâle à abattre pour que l'emporte la cause féministe. La carte était maligne à jouer : en s'attaquant à sa manière de faire, on pourrait facilement être taxé d'anti-progressiste, de réfractaire à cette idéologie de la destruction de codes et de genre (ce à quoi je suis totalement réfractaire quand c'est si mal fait), de pro-Trump.


C'est le message que le film tente de faire passer : si tu n'es pas avec lui, alors tu es contre lui. En même temps, comment supporter (dans tous les sens du terme) une oeuvre aussi bête dans le traitement de ses thématiques sociales, qui pense que supprimer tous les personnages masculins la rendra féministe et engagée? D'autant plus qu'elle ne comprend même pas l'étendue de son propos, réduisant finalement Mackenzie Davis a un patchwork grotesque entre les personnages de Michael Biehn (Kyle Reese) et Sam Worthington dans Terminator Rennaissance.


Outre le fait qu'il y aura cette romance crypto-gay placée en filigrane de l'intrigue (il faudra interpréter son rapport avec Daniella et sa manière de remplacer Reese pour le relever, encore que cela pourrait être un rapport maternel/fraternel très mal écrit) et qui aurait pu être intéressante s'ils l'avaient au moins développé de manière décente, cette constance dans le rappel du pouvoir des femmes sur les hommes (on se croirait dans une alternative un poil meilleure d'action/science-fiction de l'autre merde de Black Christmas) rappellera chaque fois au spectateur que les scénaristes, visiblement perdus parce qu'ils ne savaient pas quoi faire de ce sixième épisode, auront oublié que c'est la complémentarité des genres qui faisait jusqu'ici l'efficacité et la justesse des rapports homme-femme dans les Terminator précédents (même les moins bons, genre Genisys qui a gagné, depuis, des points positifs au revisionnage).


C'est parce qu'ils donnaient autant d'importance aux femmes qu'aux hommes, parce qu'ils présentaient une évolution crédible de ses personnages, parce que Sarah Connor passait du statut de victime à celui de soldat pour préparer la fin du monde et éduquer son enfant comme un combattant que les deux premiers Terminator, pour ne citer qu'eux, n'avaient pas besoin de se targuer du sobriquet de film féministe pour l'être.


Et si Dark Fate passe son temps à jouer les moralisateurs, c'est qu'il n'a de toute évidence rien d'autre à proposer que Schwarzy qui sert des verres d'alcool avec du citron, qui s'invente une vie, une barbe et une conscience, qui fait des blagues, change des couches avec le sourire et caresse ce chien, certes magnifique, qui n’aboie jamais au contact des Terminator : la trahison, si terrible qu'elle est irréfléchie, témoigne d'une idéologie d'abolition des figures masculines à ce point forcée et mal maîtrisée qu'elle termine en établissant des incohérences avec la saga, si maltraitée qu'on l'oublie au bout d'une demi-heure.


Cette fameuse phrase, si forcée qu'elle détruit toute la symbolique des deux premiers films, balancée sans aucune transition, avec le regard vieillissant de Linda Hamilton, porteuse de Ray-ban à ses heures (même de nuit) pour cacher son âge et son manque d'investissement, laisse prévoir que Natalie Reyes, héroïne mexicaine qui interprète Daniella, ne donnera pas naissance au garçon qui sauvera le monde (il fallait forcément le masculiniser pour "dénoncer" la trop forte présence des hommes dans le cinéma d'action); non, ce sera elle, le garçon qui sauvera le monde.


Triste John Connor, donc, qui suit un ersatz de la sublime évolution père/fils de Terminator 2 : Le Jugement Dernier, la présence copiée/collée de Sarah Connor, avec supplément trente ans dans la gueule, qui reprend les phrases célèbres de Schwarzy pour le remplacer (il fallait oser, tout de même, la faire dire Je reviendrai, une heure et demi avant le plan face cam du Je ne reviendrai pas de l'autrichien barbu).


Ce travail de tocards trouve un écho à sa bêtise dans la banalité de sa mise en scène, accompagnée de sa photographie terne et sans aucune personnalité (les scènes d'action de nuit sont, encore en 2019, sacrément illisibles), dans l'inutilité flagrante de sa bande-son (dont le seul moment marquant sera la reprise du thème principal de la saga), dans le jeu sans charisme de ses acteurs médiocres et le traitement sans fond de ses personnages.


Il est triste de se dire qu'on suit moins Terminator : Dark Fate comme la réinvention qu'il se devait d'être, mais bien comme le pastiche ridicule et bordélique de toute la saga, à ce point malhonnête qu'il plagie chacun des épisodes de la saga, tout particulièrement ceux qu'il a décidé de supprimer de la chronologie officielle en guise de communication rassurante. Celui qu'on attendait comme la vraie suite à T2 n'arrive même pas à la cheville de Terminator 3 (qui a décidément gagné en réputation depuis la sortie du cinquième épisode), ni même à celle de Genisys.


Triste constat, pour une fin de saga placée sous le signe de la bêtise crasse des pseudos films politiquement engagés de la fin des années 2010. Une page se tourne, et aussi triste que c'est à écrire, il est rassurant de ne plus voir Schwarzy se dénaturer dans la saga qui lui donna, il y a trop longtemps de cela, une carrière, une renommée, une personnalité mythique. Cette franchise est un naufrage sans survivants.

FloBerne

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