Mal aimé de la critique et du public à sa sortie, Opéra est souvent présenté comme le film maudit de Dario Argento avec de nombreux soucis de droits ayant compliqué sa sortie au cinéma et en vidéo avec, notamment une sortie tronquée en VHS. Comme de nombreux films du cinéaste, il est en cours de réhabilitation, en France, notamment, depuis sa sortie dans un joli Blu-Ray chez nos amis du Chat qui fume. Le résultat est pourtant très chaotique, aussi bien marqué par de belles envolées visuelles que plombé par une intrigue sans queue ni tête et des personnages sans consistance. En poète de la forme, Dario Argento continue de creuser le sillon qu’il a mis en évidence depuis Suspiria, multipliant les clins d’œil à ses propres fantasmes, mais il ne parvient pas ici à trouver l’équilibre avec un récit mal maîtrisé, sinon totalement traité comme un simple véhicule prétexte. On sent une hésitation du réalisateur à aller au bout d’une autre logique, celle du double récit qui lie son héroïne au tueur en série, et la conduite d’un récit classique. Cette hésitation est, à mon sens, fatale au film qui est totalement bancal.
Dépourvu d’un vrai fil conducteur, l’ensemble manque de mystère et d’une véritable tension, ce qui est totalement rédhibitoire. Abandonnant l’idée d’une héroïne complice de son bourreau avant d’y revenir à la toute fin du film, Dario Argento retroune à un schéma traditionnel du giallo qui consterne par sa faiblesse narrative, l’identité de l’assassin se révélant presque ubuesque et ses motivations totalement absurdes. Si le doublage français de plusieurs acteurs est affreusement mauvais, il n’est pas sûr que le jeu de ces derniers soit bien meilleur en version originale, ce qui n’arrange pas le tout. Mais, surtout, ce qui contrarie l’ensemble est un ensemble de situations totalement absurdes qui ne peuvent pas cadrer avec une histoire plutôt cartésienne tant et si bien que le film laisse, lors de plusieurs scènes, l’impression d’un grand n’importe quoi. De toute évidence, un autre montage du film, quitte à tourner totalement le dos à la logique, aurait davantage correspondu au projet initial que l’auteur semble sans cesse refouler.
Spectacle visuel parfois vide de sens, spectacle sonore pas toujours très convaincant, Dario Argento avait aussi la volonté évidente de régler quelques comptes après avoir été écarté d’un projet de mise en scène d’un opéra pour ses partis pris trop originaux. Point de départ de son film, il a ensuite hésité à y intégrer un récit totalement original. De fait, il ne reste du film que quelques idées qui, fatalement, ne peuvent suffire à faire de l’ensemble une œuvre vraiment aboutie. À mon sens, la restauration du film ne permet malheureusement pas de le réévaluer vraiment même si la copie, en elle-même, est très belle.