Dario Argento est une icone du cinéma d'horreur, un réalisateur qui a eu un impact énorme sur l'ensemble de l'industrie cinématographique italienne et qui a su en imposant son style visuel inspirer un bon nombre de contemporains.
SPOILER ALERT
Attention, cette critique révèle toute l'intrigue et passe au crible ses moindres détails, voyez ce film avant de continuer la lecture !
La vedette jouant Lady Macbeth ayant eu un accident de voiture, une remplaçante devait alors prendre sa place. Après avoir reçu un inquiétant appel anonyme, la jeune Betty accepte de jouer le rôle à contre-coeur. Le succès de sa première est total, mais lors d'une violente interruption dans la performance, elle se rend compte qu'elle est la cible d'un tueur brutal et obsessionnel. Le maniaque tue tous ceux qui s'approche d'elle et il la force à regarder, lui scotchant des épingles sous les paupières pour l'empêcher de fermer les yeux.
Le tueur masqué lui rappelle un rêve qu'elle fait depuis l'enfance ; lors d'un flashback on devine une femme subissant la même épreuve, celle ci devient par la suite complice des meurtres et on la voit à son tour observée par une fillette.
Malgré les agressions répétées et l'enquête de la police, Betty ne parvient pas à décoder les signes révélant l'identité du tueur. Il devient clair que leur rapport est bien plus que fortuit.
Un coup monté réussit à exposer le tueur, mais celui-ci parvient à disparaître à nouveau et à kidnapper Betty dans une tentative de "suicide" par les flammes... mais c'est une ruse pour orchestrer de sa propre mort..
Betty et le régisseur Marco partent alors dans les montagnes persuadés d'être enfin tranquilles, mais le tueur réapparaît une ultime fois...
Argento est un maître quand il est question de mettre en scène des cauchemars magnifiques mais ici l'histoire nous montre une autre de ses inspirations : les femmes.
Betty est par essence la beauté inaccessible, même son petit ami ne peut pas l'avoir pour lui, comme elle le souligne dans une réplique "l'amour n'est pas un mot pour moi". C'est encore renforcé par son absence d’intérêt pour le sexe et ses plaisirs.
Autour d'elle se pressent des hommes qui la veulent pour eux, des femmes qui veulent être comme elle ou avec elle. Ceux qui la jugent se basent sur de fausses attentes, de fausses idées ; elle en souffre mais ceci ne semble pas être la cause de son chagrin persistant. Ceci est mis en évidence par son petit ami, persuadé que les cantatrices aiment avoir un rapport sexuel avant la représentation pour améliorer leur voix, Marco (le régisseur) se fait aussi le chantre de cette idée.
Pas mal de thématiques dans cette histoire, l'étude des conséquences des obsessions, de la manipulation, des idées reçues, du contrôle et le pouvoir du désir sexuel. Betty étant l'objet et le catalyseur de tout ça.
La mère de Betty qui se délecte sexuellement des meurtres sadiques contribue à créer le monstre qu'est Santini. Il agit dans le but d'avoir des rapports intimes avec elle, il l'attache et tue avant tout pour qu'elle éprouve de la satisfaction. Ne pouvant obtenir ce qu'il désire d'elle, il la tue. Lorsqu'il découvre que sa fille suit dans les même traces, il trouve l'opportunité de recommencer.
Le manque de complicité de Betty ne semble pas l'affecter le moins du monde, il la force à reprendre le rôle de sa mère. Le fait qu'il soit incapable d'avoir des rapports normaux avec les femmes (particulièrement la première fois qu'il rencontre Betty) indique qu'il est probablement impuissant. Il n'assouvit d'ailleurs pas le désir sexuel qu'il a avec la mère.
Les meurtres qu'il commet se substituent aux rapports sexuels et le couteau à la pénétration.
Poignarder brutalement ses victimes remplace l'acte sexuel mais nécessite la participation de l'objet de son désir : Betty, sauf que désormais, c'est lui qui a le pouvoir de contrôle sur elle.
Tous ceux qui entourent Betty essayent de la faire changer, de la posséder, elle devient une poupée vivante que l'on habille et à qui ont dit quoi faire, quoi dire...C'est littéralement le cas dans la scène ou elle est ligotée et mise en vitrine à coté des mannequins.
Comme le personnage qu'elle joue sur scène elle est perçue comme quelqu'un d'autre, sa vie ne lui appartient pas, c'est seulement le regard des autres qui la définit. Tout cela prends fin lorsqu'enfin elle se retire dans les montagnes, les deux dernières personnes voulant la contrôler se retrouvant hors de sa vie, elle redevient qui elle est. Son manque d'émotions face à la mort de Marco est révélateur de son retrait de la vie publique.
Visuellement, ce film est spectaculaire. Les plans de caméra aériens, les plans subjectifs donnent le tournis. Les couleurs et ambiances contribuent à créer un monde de rêve, de chimères, mais moins radicalement que dans Suspiria.
Dans une scène de flashback, on vole à travers des escaliers poussiéreux, de longs couloirs, on entre dans la peau d'un personnage qui semble habiter ces lieux inconnus depuis très longtemps, il est défini par le travail de la caméra, mais n’apparaît jamais à l'écran. Cette technique très efficace permet à Argento de nous placer dans tête d'un personnage anonyme sans avoir à le montrer.
L'image la plus persistante dans ce film est l'oeil. On voit le reflet de l'opéra dans l'oeil du corbeau, l'oeil du tueur arraché par le piaf, des plan subjectifs on l'on vit dans le regard du protagoniste et bien sur la méthode du tueur pour forcer Betty à regarder.
Ceux qui croisent le regard du tueur meurent, l'exemple le plus frappant est quand Mira est abattue d'une balle dans l'oeil lorsqu'elle regarde à travers le judas.
Puis le témoin, le corbeau qui retire au tueur l'objet de sa perversion sexuelle : un oeil !
Toutes cette imagerie oculaire renvoie à percevoir Betty comme un objet de désir superficiel, qui peut être corrompu par ce qu'on lui force à regarder.
Opéra traite au fond de la célébrité et des célébrités. Les obsessions qu'on leur prêtent, les fausses idées qu'on peut en avoir, le voyeurisme et la confusion d'identité que l'on peut également associer
Betty devient progressivement ce à quoi elle aspire, en finissant seule en n'ayant que la nature comme partenaire.
La musique atmosphérique du film est contrastée du heavy metal lors des scènes de meurtre. C'est une critique que l'on peut faire au film, bien qu'à mon avis les voix de hard rock sont assez comparables à celle de l'opéra (surtout dans les aiguës !). Le heavy metal ici est un peu le contre-pied de l'opéra, le reflet sombre de la nature agressive du tueur.
(s'ils vous prends l'envie de pousser le débat, écoutez Judas Priest avant !)
Si je ne devais avoir qu'une seule critique négative sur le film, c'est peut être que l'identité du tueur est un peu trop facile à découvrir, il n'y a véritablement que deux suspects, Santini et Marco.
Opera est le film que je préfère dans la carrière d'Argento, c'est spectaculaire et de loin le plus cohérent.
Il n'y a pas de problème de rythme et moins de défauts que beaucoup d'autres.
Les images restent en tête pendant pas mal de temps, et l'histoire est plus profonde que ce qu'elle semble en surface.
C'est clairement un film qui peut être visionné plusieurs fois, et qui doit l'être si vous souhaitez y voir tous les détails.Attention cependant aux différentes versions plus ou moins émasculées qui circulent.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.