Le démon déraille

Alors que la Hammer pousse ses derniers soupirs au début des années 70, ses deux plus illustres acteurs, Peter Cushing et Christopher Lee, continuent de se croiser sur les plateaux de cinéma. De la Amicus à la Hammer (encore) et donc de cette coproduction britannico-espagnol, ils illuminent toujours autant l’écran de leur présence. Il est évident que leur association fait beaucoup dans ce film même si celui-ci ne manque clairement pas d’autres atouts. On peut d’ailleurs s’étonner qu’il ait été si souvent malmené par la critique et le public. Réalisé avec un petit budget, l’illusion est presque parfaite. Le Transsibérien qui traverse la Russie d’est en ouest, on y croit à fond avec ses superbes plans du train roulant dans des étendues désertiques et balayées par la neige. L’introduction censée se dérouler en Chine fonctionne aussi tant et si bien qu’il nous met de suite dans le bain.

La suite est une forme de huis-clos dans un style qui emprunte les sillons tracés par la Hammer même si la forme est beaucoup plus latine que britannique. On a ainsi l’impression d’assister à une production qui connaît ses classiques mais qui a su parfaitement les digérer pour proposer son propre univers. Le résultat est très efficace. Rythmé, intriguant, parsemé de morts régulières, le film ne réserve aucun temps mort et offre un récit bien mené. Nos deux vedettes sont bien exploitées (ce qui n’a pas toujours été le cas quand la Hammer n’était pas aux commandes) et elles sont secondées par d’autres acteurs de premier plan (Telly Savalas, Alberto de Medonza méconnaissable) qui donnent une véritable densité à l’ensemble.

Préfigurant le The Thing de John Carpenter, le film semble cependant avoir été tourné vingt ans plus tôt. Il faut donc admettre que le film, à sa sortie, était quelque peu désuet dans sa formule narrative et dans l’usage de ses maquillages. Cependant au XXIe siècle, on peut totalement et facilement faire abstraction du contexte pour déguster cette série B pour ce qu’elle est. Si elle manque un peu de poésie, elle est franchement très agréable à regarder.