La Vengeance dans la peau
Le cinéma sud-coréen pré-"Shiri", sorti en 1999 et considéré comme le véritable point de départ du film hallyu comme on le connaît aujourd'hui - par son succès (près de six millions d'entrées à l'époque), par son influence culturelle et économique, est souvent mis en retrait au profit des succès pop des années 2000. Après la fin de la dictature et ce jusqu'à la fin des années 90, on a affaire à un cinéma qui se cherche, à la fois gangrené et magnifié par ses influences extérieures (notamment hongkongaises). De l'heure de gloire de Im Kwon-taek jusqu'à des cinéastes oubliés comme Park Chong-won ou Kim Sung-Soo, en passant par un cinéma underground aujourd'hui presque entièrement disparu. "Terrorist" en fait partie - sorte de vengeance movie dans la pure tradition du genre à grosse inspi' Hong-Kong avec sa mise en scène et ses personnages à la John Woo, on sait dès le départ quelles ont été les muses de Kim Young-bin.
L'imagerie de "Terrorist" s'ancre parfaitement dans cet univers cheapo-badass nineties qu'il semble vouloir introduire. Mais plus encore, car dans sa manière de traiter avec sérieux et noirceur l'habituel scénario "Deux frères policiers - Pépin qui fout le chaos - Vengeance", le film de Kim se démarque nettement de la concurrence. Car au-delà d'éléments kitschs qui pourraient décourager certains spectateurs (musique douce à la guitare, courses-poursuites en accéléré, méchant borgne...), l'atmosphère et l'ambiance posées assez rapidement sont vraiment admirables - on parvient même à déceler certaines prémices du thriller coréen moderne (A Bittersweet Life, New World et consorts) qui, par leur esthétique et certains gimmicks (pluie battante, cigarettes, enfer urbain) semblent tout droit inspirés de ce "Terrorist".
Objectivement, il y aurait beaucoup à dire du film - certains effets sont ridicules, le scénario n'a en lui même rien d'original - mais la manière qu'il a de narrer son histoire avec passion, le charme antédiluvien qui s'en dégage, le charisme énorme du casting (sans parler de la magnifique Yum Jung-ah), les scènes d'action énergiques, en font un objet cinématographique digne de sympathie, jouissif et excessif, sans être lourd dans sa démarche.
Petit délice méconnu qui a ce mérite de n'être pas écrasé par sa réputation, c'est avec surprise et un grand plaisir que "Terrorist" se tisse comme un film ultra-référencé qui n'en demeure pas moins empli d'une forte âme. Les amateurs de John Woo y trouveront leur compte (on pense beaucoup au "Syndicat du crime"), de même que les fans de thriller coréens qui pourront y découvrir une sorte de "film fondateur" aux allures d'ancêtre pas si vieux que ça. Sans doute pas inoubliable, mais nécessaire.