The ABCs of Death par Wykydtron IV
Il y a peut-être un an de cela, je voyais sur youtube plusieurs vidéos affichant dans leur titre "The ABCs of death". Je ne comprenais pas : je ne trouvais que des films correspondant à la lettre T, en tapant dans la barre de recherche. J'avais dû découvrir ça avec "T is for toilet", de Lee Hardcastle (connu pour ses animations gores en pâte à modeler), et je n'avais pas cherché plus loin.
Quand j'ai appris plus tard ce qu'était "The ABCs of death", j'ai eu envie de le voir sur le champ. Même si à l'époque il n'y avait pas encore de date de sortie.
The ABCs of death, il s'agit en fait d'un film d'horreur à sketchs, mais plus ambitieux que n'importe quel autre sorti à ce jour, puisque 27 réalisateurs ont été réunis afin de réaliser un court-métrage correspondant à une lettre de l'alphabet. Oui, 27 réalisateurs, si on compte le duo Hélène Cattet/Bruno Forzani, les français à qui on doit Amer.
L'idée du projet fait déjà plaisir, mais la liste des réalisateurs laissait rêveur.
http://www.imdb.com/title/tt1935896/fullcredits#directors
Parmi les réalisateurs confirmés, habitués au cinéma horrifique, j'étais curieux de voir ce que pouvait voir Angela Bettis, actrice à la base, qui s'était fait remarquée dans le super "May", et de voir une nouvelle réalisation du dérangé qui a pondu "A Serbian film".
Un concours avait été lancé sur internet pour la lettre T, d’où la multitude de vidéos sur youtube, et la présence de "T is for toilet", de Lee Hardcastle, dans l’anthologie "The ABCs of death".
J’avais été ravi de voir que le film faisait partie du programme du Paris International Fantastic Film Festival de cette année. Pour bénéficier du privilège de voir ce film si tôt, il fallait laisser son portable à l’entrée, condition imposée par le distributeur.
Cattet et Forzani étaient présents, ainsi que Xavier Gens. Ils ont un peu parlé de leur participation au projet : ils ont été contactés par mail, et les 2 réalisateurs d’Amer avaient un mois pour réaliser leur contribution au film, et comme la lettre de l’alphabet tardait à leur être attribuée, ils ont tourné leur court avant de choisir leur lettre eux-mêmes.
Selon Fausto Fasulo, Christopher Smith devait faire partie du projet aussi, mais son film aurait été jugé décevant… (info à vérifier)
Ceux habitués à lire mes avis sur des films savent comme j’ai tendance à trop écrire, là je ne pouvais pas faire ça pour 26 films, du coup je vais me limiter à quelques mots pour chacun.
-A is for Apocalypse : Intriguant. Arrivé à la fin, me suis dit que c’était juste saugrenu. Un élément bizarre du début (les coups de couteau dans le vide), que je pensais être un mystère qui serait expliqué à la fin, ne l’est pas.
-B is for Bigfoot : Prévisible. Mise en scène un peu lourde.
-C is for Cycle : Un principe qui sent fortement le déjà-vu, et qui évoque Lost highway ou Timecrimes. J’ai d’ailleurs cru que c’était le réalisateur de ce dernier qui avait fait cette partie, mais non. Peu d’intérêt.
-D is for Dogfight : Puissant. Prenant. Très beau, et superbement mis en scène. J’imagine que ça a dû être extrêmement compliqué de faire faire de telles choses à un chien, à filmer ça sous divers angles, et au ralenti. Très maîtrisé. Je suis surpris en regardant sur IMDb qui est le réal ; Deadgirl était loin d’être aussi soigné.
-E is for Exterminator : Le film d’Angela Bettis. Ca fait sourire, mais au final c’est assez moyen, et la fin est prévisible. On voit le site AICN à un moment, ça m’a amusé.
-F is for Fart : C’est con, complètement con. Du délire comme seuls les Japonais en sont capables. On reconnaît bien là l’œuvre de Noboru Iguchi. C’est aussi débile que son "Sukeban boy" (merdique), mais aussi drôle que "Tokyo gore police". Le film marche bien comme court-métrage, mais de la crétinerie du même calibre pendant une heure et demi, j’aurais pas tenu.
-G is for Gravity : Quel intérêt ? Si ce n’est voir cette petite prouesse que de filmer le subjectif d’un homme qui nage sur une planche de surf, sans que la caméra ne prenne l’eau ? Quand je vois ce court-métrage-ci, je me demande bien ce qu’a pu faire Christopher Smith (si l’anecdote est vraie) pour que son film soit jugé décevant.
-H is for Hydro-electric diffusion : Une histoire de nazisme avec des êtres anthropomorphes, dans un univers cartoon à la Tex Avery. C’est fun, fou, et audacieux. Il y a peut-être un petit problème de rythme pour que le délire fonctionne vraiment, je ne saurais dire exactement ce qui cloche néanmoins. Je viens de voir que le réalisateur est celui qui a fait "Norwegian ninja" (son seul film), que j’avais vu à l’Etrange festival de l’an dernier, et qui était assez ennuyeux. Surprenant.
-I is for Ingrown : Affreux par son sérieux et réalisme cru. Donc c’est réussi. On souffre pour le personnage.
-J is for Jidai-geki : C’est con. Du délire comme seuls les Japonais en sont capables. Fou et hilarant. J’ai beau avoir vu Meatball machine et Battlefield baseball du même réalisateur, que j’avais moyennement aimés, là on atteint un autre niveau… Les gags avec les yeux du personnage… j’en reviens toujours pas tant c’est énorme.
-K is for Klutz : Dessin animé d’un danois qui m’est totalement inconnu. Le film est absurde et très drôle. Une sorte de version horrifique de l’histoire de Mr Hankey.
-L is for Libido : Original, weird, sick, amusant. J’ai cru que c’était le film du réal de A Serbian film.
-M is for Miscarriage : C’est très court, et ça ne tient qu’à une seule idée, qui repose sur la découverte du titre du film.
-N is for Nuptials : Ca commence par une histoire romantique sérieuse, on veut bien croire en ce couple, et puis vient le twist, bien fun.
-O is for Orgasm : On reconnaît direct le style unique de Bruno Forzani et Hélène Cattet. C’est sublime. Le duo a le don pour faire ressortir la beauté de là où on ne pense pas la trouver, en prêtant attention à des détails, en faisant des gros plans sur des choses banales qui peuvent faire partie de notre quotidien. Gros plan face à du tabac qui se consume dans une cigarette, sur une énorme bulle de savon qu’on éclate du bout d’une cigarette, … Formidable. Le découpage et le mixage son sont extraordinaires aussi.
Et je dis ça alors que je n’ai pas supporté Amer. Je pense que là aussi, c’est le genre de choses qui me plaît au format d’un court-métrage ; dans un long, je trouverais ça usant à force.
-P is for Pressure : On dirait au départ un film indé issu d’un pays du Tiers-Monde, une de ces œuvres engagées qui se retrouvent à La quinzaine des réalisateurs à Cannes, puis ne passent que dans quelques salles sur Paris. Je trouve ça intéressant, ici on suit le quotidien d’une prostituée si j’ai bien compris. Tout ça pour ne mener qu’à une seule idée forte, à la fin.
C’est un court-métrage, mais j’ai eu le temps de m’ennuyer, et je trouve que la multitude des plans a tendance à nuire au film, on se perd vite, on ne suit plus.
-Q is for Quack : Sort de docu parodique sur la création d’un segment de The ABCs of death. Amusant, mais fin très prévisible.
-R is for Removed : Photographie soignée, avec effets visuels originaux. Du gore beurk, des éléments trashs (la tête dans la merde), et une histoire qui intrigue puisque tout du long on se demande ce qu’il se passe exactement. J’ai cru à un moment à un propos sur le cinéma, à une référence à Clint Eastwood… Mais à la fin, une chose était claire : je n’ai rien compris.
C’était le segment du réal d’A Serbian film ; je suis un peu déçu.
-S is for Speed : De l’aventure post-apocalyptique à la sauce Grindhouse. Ca ressemblait à la fin d’un film, dont on aurait raté 1h20, et qu’on ne peut apprécier sans avoir vu le début. Mais il y a un twist qui jette une lumière nouvelle sur l’ensemble, et c’est super.
-T is for Toilet : Je l’avais déjà vu sur internet. C’est toujours aussi super. Gore et délirant.
-U is for Unearthed : On se retrouve dans le subjectif d’un monstre. Et c’est presque la seule originalité du film…
-V is for Vagitus : Court-métrage de SF, avec pleins de CGI pour créer un monde à la RoboCop. Mais situé dans le futur de Vancouver, et non Detroit. Pleins de flares, et un peu de surexposition ; pourquoi les réalisateurs ont-ils tendance à croire que c’est cool ?
Histoire est pas trop mal, mais le réalisateur semble vouloir créer un univers vaste, trop vaste pour un court-métrage, du coup il y a trop de choses en trop peu de temps.
-W is for WTF : Ca commence par un cartoon médiéval trash et fun, puis le réalisateur nous présente plusieurs idées pour son segment de The ABCs of death. Et ensuite c’est le n’importe quoi complet, c’est débile, mais c’est drôle.
Enfin j’ai vu le titre, et j’ai compris.
-X is for XXL : Le segment "Ingrown" se montrait sérieux déjà, mais celui-ci, XXL, réalisé par Xavier Gens, est le seul à oser prendre à la base de son récit un problème réel : la confrontation des femmes fortes au regard des autres, et à cet idéal de beauté imposé par les publicités. C’est un court-métrage qui sert un propos de façon hard, un peu à la façon de Douglas Buck avec son film "Family portraits", mais sans le premier degré qui rendait son travail prétentieux et idiot.
Le court-métrage de Gens, en se détachant totalement du réalisme à un moment donné, fonctionne, tout en servant superbement son propos.
Je me dis que la présence dans la salle des 3 réalisateurs français ayant participé à The ABCs of death n’est pas la seule raison pour laquelle les applaudissements se sont faits plus forts après leurs segments.
-Y is for Youngbuck : Sans même avoir à vérifier, je savais que c’était la partie de Jason Eisener, tant on reconnaît au premier coup d’œil l’esthétique de Hobo with a shotgun : ses couleurs saturés, sa musique très 80’s, qui ici évoque un mélange entre celle qu’on entend dans la fausse BA "A nous les belles oranges" (cherchez ça sur Youtube) et une musique de 80’s montage.
Le gore est super.
-Z is for Zetsumetsu : Un film d’actualité, qui évoque les effets du nucléaire. Mais avec des mutants. C’est con et fou, on reconnaît là un délire comme seuls les Japonais en sont capables. Cette fois, c’est le réalisateur de "Tokyo gore police" aux commandes, mais son délire est plutôt du niveau de "Sukeban boy" (pour changer).
Même s’il y a pleins d’idées dingues (le 9/11 sur les seins, le sabre-pénis, les jambes-svastika, la parodie de Dr Stangelove, …), c’est trop le bordel pour être amusant, on dirait que le réal a foutu en vrac toutes les idées débiles et folles qu’il avait en tête, c’est du foutage de gueule de l’ordre de "Robo-geisha" ou "Horny house of horror".
Conclusion : Evidemment, comme pour tout film d’horreur à sketchs, je savais que celui-ci aurait ses hauts et ses bas, surtout vu le nombre de segments, mais dans l’ensemble il y a un bon niveau. Je ne suis pas déçu.