Parmi tous les sous-genres horrifiques éphémères destinés à rentabiliser les sites de VOD, le film à sketch 2.0 est loin d'être le plus détestable. Au contraire, beaucoup de ces péloches fauchées mais sincères se démarquent par leur fraîcheur. C'est d'ailleurs peut-être le seul moyen aujourd'hui de faire du cinéma de genre original. On retiendra par exemple le grand-guignolesque The Theatre Bizarre, le found-footage V/H/S, le récent et très recommandable Southbound, ou donc le foisonnant The Abc of Death.
The Abc of Death, c'est un peu comme un immense buffet à volonté dans un restaurant asiatique low-cost: la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, mais il y a tellement de diversité qu'il serait criminel de faire la fine bouche. Le concept (26 sketchs pour 26 lettres) relève du génie. Impossible de s'ennuyer, l'habituelle hétérogénéité de ce genre de film étant contrebalancée par un rythme effréné et une inventivité de tous les instants.
Si le deuxième opus est également pourvu de ces qualités indéniables, dans le détail, impossible de ne pas relever une baisse de qualité dans les courts-métrages en eux-mêmes. Privée de certains grands noms de l'horreur actuelle présents dans le premier film (Ti West, Xavier Gens, Ben Weathley... la classe quoi), la suite se contente de prolonger le plaisir de façon parfois artificielle mais jamais malhonnête. Forcément, beaucoup d'idées sont en rupture de stock: impossible par exemple de jouer la carte de l'auto-dérision méta. Adam Wingard l'a déjà fait, et c'était hilarant. Paradoxalement, la force du premier fait donc la faiblesse du second. Cependant, l'esprit demeure intact et le métrage reste bien généreux en tripaille et en divers fluides corporels, le tout dans un esprit foutraque et délirant presque éreintant. Car c'est bien l'exhibition de cette horreur décomplexée, s'affranchissant de toute contrainte morale ou populiste, qui fait le succès mérité de cette saga.
Dans le détail, certains sketchs sont réellement sans intérêt, tel Utopia et son manque gênant de subtilité, mais d'autres sortent clairement leur épingle du jeu. On pense surtout à la fin de l'alphabet avec Youth et ses mises à mort graphiques fantasmées, Wish, relecture ultra-noire et ironique des publicités des années 80 et surtout Zygote, vision de cauchemar abordant la question de la maternité sous un angle très original. Comme d'habitude, ce format extra-court est parfois l'occasion pour ces cinéastes d'expérimenter. Split fait par exemple un usage assez épatant du... split-screen tandis qu'Equilibrium s'autorise un montage au sein même du plan pour parvenir à un effet comique. En tous cas, dans la plupart des essais, la provocation est de mise et la pluralité des thèmes et techniques est toujours au rendez-vous. L'un des sketchs (Falling) va même jusqu'à situer son intrigue en plein conflit Israëlo-palestinien ! A noter quand même la présence au générique du grand Bill Plympton qui livre littéralement une esquisse de son talent. F pour Frustration...
En bref, bien inférieur à son aîné, The Abc of Death 2 surprend beaucoup moins mais reste assez jouissif dans son ensemble. On se surprend à attendre de pied ferme la suite promise en fin de générique. Une suite avec peut-être encore moins de génie, mais toujours autant de folie.