Une sale Histoire
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L’acte de tuer marque la frontière entre les acteurs du film et les figurants. Cet acte est ce qui distingue cette classe sociale faite de gangster autoproclamés qui travaillent pourtant main dans la main avec l’Etat indonésien. Comment est-ce possible ?
En 1965, un massacre de plus d’un million de personnes est commis sur des personnes dites « communistes » avec des minorités religieuses ont été massacrées en plus sans compter les bavures. Pour le contexte qui n’est pas évoqué dans le film, l’Indonésie depuis l’indépendance est particulièrement instable surtout après la séparation avec la Malaisie entre 1962 et 1965. Pour maintenir la stabilité du pays, Sukarno, le président du pays décide de créer un gouvernement d’unité national qui réunit les nationalistes et les communistes. Par peur d’une révolution communiste, les milieux économiques et militaires s’organisent et s’allient. Au nom d’une menace de coup d’Etat, les militaires font un coup d’Etat et la dictature de Soeharto est instaurée. Pour marquer le coup, un massacre des communistes et des minorités est organisé, notamment par des petits criminels locaux. C’est cette classe sociale que l’on suit tout au long du film. Des hommes qui sont les petites mains du régime. Des petits mafieux qui vivent en parasite par l’extorsion de petits commerçants. Ces gens-là assurent la soumission des locaux et prélèvent avec l’Etat qui les laissent faire, puisqu’ils occupent la fonction de police. Ils s’affichent fièrement comme gangster qu’ils définissent comme homme libre, car ils ne se laissent pas emmerder et qu’ils tuent sans contrainte pour avoir ce qu’ils veulent.
Or l’équipe du film les suit pendant le tournage d’un autre film où ces bourreaux mettent en scène leurs techniques de torture et d’assassinat de l’époque. Le cinéma devient alors un moyen de se remémorer et de prendre conscience du mal fait. De la catharsis, somme toute classique qui est faite à la fois par les anciens bourreaux et en un sens pour l’ensemble du pays. L’Indonésie est encore aujourd’hui en transition démocratique.
Mais, le renversement se fait lorsqu’un de ses bourreaux joue devant les caléras le rôle de la victime et qu’il prend conscience de ce qu’il a fait et se confronte au sentiment de culpabilité. C’est là que le film prend une dimension intelligente. Il est vrai qu’avec la description que je fais du film, on pourrait s’attendre à quelque chose de très moralisateur. Mais, il n’en est rien. Les documentalistes n’interviennent jamais. Ils suivent les acteurs et leurs cheminements individuels. Le film qu’il tourne devient l’occasion de repenser le réel dans le cadre de la représentation, car jouer le film aide à mieux comprendre les violences que de les perpétrer.
L’équipe du film n’intervient quasiment jamais et on laisse ces hommes qu’on trouverai normalement monstrueux être humains. On les voit avec leurs familles, dans leurs quotidiens, commenter la politique internationale ou parler de leurs syndromes post-traumatiques. Par moment, on peut se surprendre à les comprendre. Quand ils expliquent que les Etats Unis sont hypocrites avec leurs droits de l’homme alors qu’ils ne les respectent pas eux-même et qu’ils se permettent de faire la morale car ils sont les plus forts, je suis personnellement d’accord. Lorsqu’ils sont avec leurs proches, je pense aux miens. Lorsqu’ils dénient leurs responsabilités et s’efforcent de croire qu’ils n’ont tué que des communistes, je reconnais que dans leur position je suppose que je comporterai de la même manière. Et le film finit sur un bourreau qui constate qu’il ne sera jamais puni. C’est comme ça. Le film ne fait pas la morale mais constate un fait.
L’acte de tuer crée cette barrière entre l’homme et le monstre et le monstre veut croire qu’il est homme. Une fois qu’il en a pris conscience, il est impuissant, car aucun retour en arrière n’est possible.
Donc le film a deux propos que l’on peut extraire du film selon moi :
1. Le cinéma permet la catharsis et révèle mieux le réel que le réel, car le film montre aux spectateurs et acteurs le monde sans qu’on soit pris dedans et on prend alors du recul.
2. L’acte de tuer marque la limite infranchissable entre les hommes peu importe notre mauvaise foi.
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Créée
le 3 avr. 2024
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