Alors que l’édition 2018 du Festival du Film Coréen avait programmé divers films s’intéressant notamment aux relations entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, l’édition de cette année se focalise davantage sur la période de l’occupation de la Corée par le Japon. Une période souvent bien méconnue du public occidental, qui n’est pas toujours au fait des événements qui l’ont marquée, et dont Kim Jee-woon nous parle dans The Age of Shadows, racontant l’organisation de la résistance sud-coréenne, qui cherche à s’attaquer aux instances du pouvoir japonais en Corée.
L’introduction nous montre la traque d’un résistant par la police japonaise, avant de nous familiariser avec les différents personnages qui vont intervenir dans l’histoire, lesquels sont, notamment, Kim Woo-jin (Gong Yoo), membre important de la résistance et Lee Jung-chool (Song Kang-ho), coréen qui occupe le poste de chef de la police japonais en Corée. La mise en place est assez longue, et peut égarer quelque peu le spectateur, mais le fil de l’histoire permet de, petit à petit, recoller les morceaux. Après une première heure qui pose les enjeux, The Age of Shadows lance une véritable partie d’échecs, où les deux camps élaborent et appliquent leurs stratégies, où chacun joue à un jeu dangereux, créant un puissant climat de tension qui règne tout au long du film.
En effet, les jeux de faux-semblants mettent les personnages dans des situations souvent délicates, toujours au bord de la rupture, notamment dans le cas de Kim Woo-jin et de Lee Jung-chool, donnant lieu à des séquences mémorables, comme celle du train, bénéficiant d’une impressionnante mise en scène, et multipliant les rebondissements. The Age of Shadows montre toute la dureté de cette époque, où certains sont prêts à donner leur vie pour rendre son indépendance à leur pays, quand d’autres préfèrent la soumission pour survivre. Au milieu, Lee Jung-chool incarne l’indécision, le tiraillement entre un poste prestigieux, la sécurité, et le patriotisme. Comme tous les personnages du film, il a ses forces et ses faiblesses, il tente de faire ce qui est juste tout en tentant de tirer la situation à son avantage.
The Age of Shadows est porté par des personnages avec beaucoup de relief, complexes et, surtout, humains. Le travail de reconstitution effectué et la mise en scène du film sont irréprochables, faisant du film de Kim Jee-woon une réussite en tous points sur le plan formel. C’est un film qui capitalise également beaucoup sur la tension et le suspense, et qui parvient, également, à en faire de sérieux atouts pour nous marquer. Le spectateur français sera d’ailleurs tenté, au vu de l’histoire et du contexte, d’y voir une Armée des Ombres à la coréenne, même si les deux films ont leurs spécificités, bien entendu. Ici, Kim Jee-woon s’assagit quelque peu, laissant de côté le grain de folie habituel pour plus de gravité et de dureté. The Age of Shadows est, en tout cas, une grande réussite, portée par de grands acteurs, et magnifiquement mise en scène.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art