Une oeuvre de cinéphile. (Dans le bon sens du terme.)
Un film vient de sortir qui mérite d'être vu au Cinéma.
C'est assez rare de nos jours que pour être mentionné. Voyez-vous, la plupart du temps les longs-métrages que l'on place sur vos écrans sont de purs produits; leur fonction étant de vendre de la publicité, ils s'acquitteront de cette tâche avec autant d'aisance s'ils sont vus à la téloche. Décidément The Artist - le nouveau film de Michel Hazanavicius - a quelque chose de spécial. C'est un film. Un vrai. Muet. En noir et blanc.
Posons le décor: c'est l'histoire de George Valentin un acteur cabotin au possible joué par Jean Dujardin qui découvre avec stupeur que son succès muet se muera bientôt en insuccès parlant pour peu que l'industrie continue d'évoluer dans ce sens. Lors de la première d'un quelconque film d'action dans lequel lui et son chien tiennent la vedette; il découvre par pur accident une jeune femme (la magnifique Bérénice Béjo) qui à terme deviendra une star du parlant grâce à sa personnalité des plus bombastiques.
Petit à petit, la vie de la star bascule tandis que son étoile est éclipsée par celles des vedettes montantes du cinéma sonorisé. Orgueilleux, George Valentin décide de « faire un beau film » avec sa propre fortune. C'est un four... qui tombe juste avant la Grande Dépression et le laisse sur la paille. S'ensuit une charmante petite histoire de rédemption dont je ne vous spolierai pas ici du goût par un résumé malhabile.
The Artist est un exemple rare de ce que l'amour du cinéma peut donner quand il est placé dans le cerveau d'un réalisateur compétent. Michel Hazanavicius n'a jamais été un génie visuel. Ses moments de bravoure, il les emprunte à d'autres films qui ont formé son goût. Il n'est pas non plus un grand scénariste. Son histoire à besoin de ce gimmick muet pour réellement fonctionner. (D'ailleurs, pensez-y, le fait de faire un film muet évite déjà de faire un film trop bavard. Prenez note, ô réalisateurs Français.)
Mais c'est un homme qui comprend profondément le cinéma. Il sent ses codes, renifle ses diverses structures et avant tout... il l'aime. Profondément. Ce qui est devenu trop rare à notre époque de réalisateurs mercenaires qui vivent cette profession pour tout ce qu'il y a autour. (Vous savez, le mode de vie.)
Sortir un film muet tourné en noir et blanc dans l'an de grâce 2011 est un acte de bravoure. Faire un film obsolète dans sa facture pour parler de manière encore plus poignante de l'époque dépeinte dans celui-ci; est une forme de franchise dans la manipulation esthétique qui se fait trop rare de nos jours. (Et qui est aux antipodes de faciles artifices du genre « oh la petite fille en robe rouge » de dans La Liste de Schindler; par exemple.) Tant dans le propos que dans la facture de ce pastiche d'une ère révolue; l'on sent affleurer la volonté de bien faire d'une équipe qui s'est appliquée pour signer là le plus bel hommage réalisé de mémoire récente au prétendu « âge d'or du cinéma ».
Et face à tant d'énergie dépensée dans le seul but de faire un film de qualité pour les quelques personnes qui peuvent encore supporter de le regarder; on ne peut faire qu'une chose... Qui m'a d'ailleurs surprise. Cela faisait des années que je n'avais pas vu une salle de cinéma composée d'âges disparates se lever, écraser l'une ou l'autre larme, puis applaudir. Voilà la force du cinéma quand il est bien réalisé: il vous fait applaudir même quand cela ne sert à rien.
Touché, Mr. Hazanavicius, touché...