Bon je vais être honnête, je suis allée voir ce film parce qu'on m'y a trainé, en me disant "boah c'est Dujardin, je n'aime pas forcément cet acteur qui, selon moi, a toujours la même expression faciale, je vais juste me détendre un peu le cerveau, hohoho". Quelle conne j'ai été d'avoir eu cet a-priori.
Il y a l'époque: le cinéma hollywoodien des années 1920, qui a parfaitement bien été retranscrit. Le style, les looks, les décors, le noir et blanc, les dialogues (la majeure partie du film est tournée à la manière du muet) laissent penser que ce film aurait pu appartenir au cinéma américain d'alors, et qu'il s'agit simplement d'une pâle imitation. Oui mais voilà: le parlant fait sa grande apparition, et c'est au moment où le personnage de George Valentin (un brin bling bling) s'en rend compte que tout bascule, et qu'on entre dans une grande réflexion sur l'évolution du cinéma.
Nos sens sont tellement sollicités que j'ai eu envie de hurler (si si) tant l'impuissance de George est palpable et frustrante, l'exploitation particulière du son y étant pour beaucoup. Alors que tout va pour le mieux pour ce personnage, on assiste à son incapacité à "vivre avec son temps", à correspondre aux volontés de son boss et de l'audience, à sa chute. La parole prend une place importante sans qu'on entende rien, le réalisateur joue sur l'ambiguïté et sur les mots, comme le montre la scène de dispute entre George et son épouse qui lui reproche son silence.
Le titre de l'œuvre fait se poser la question sur la création artistique: le personnage principal doit se remettre en question, frôle la mort de peu, pour en finir avec son égocentrisme. On assiste presque à une naissance, on suffoque, pour enfin revivre. Il y a aussi le doute sur son talent, le sentiment d'être incompris, l'auto-destruction...
Il y a une histoire d'amour bien sûr, mais Peppy Miller(incarnée par Bérénice Béjo) et George ne s'embrasseront jamais: une sorte d'amour à sens unique s'installe, et Peppy se révèle être attachante par son obstination à vouloir aider l'acteur qui est aveuglé par sa fierté.
J'ai été agréablement surprise par Jean Dujardin qui a très bien incarné son rôle, mais la redécouverte de Bérénice Béjo (que j'avais aperçue dans Bouquet Final de Didier Bourdon, c'est Allociné qui m'a rafraichit la mémoire mais chut) m'a enchantée. Elle est vivante, taquine, du début à la fin, et apporte beaucoup au personnage de George. Elle rappelle ces anciennes actrices dont les rôles étaient assez naïfs, et cette innocence fait beaucoup de bien au film, sans le faire sombrer dans le cliché car la demoiselle a quand même un caractère bien trempé. John Goodman incarne à merveille le rôle du réalisateur pour qui c'est tout ou rien, cigare à la bouche, et la participation de James Cromwell m'a énormément touchée dans le rôle du chauffeur dont la fidélité est presque égale à celle du chien (sans vouloir être insultante).
Bref, j'ai apprécié le film dans son ensemble, même si la fin m'a un peu déçue par son côté un peu "facile".