Ce ne sont pas les Jack et Rose de Titanic. Ceux-ci se sont échoués aussi mais à la suite du naufrage d'une vie et non d'un paquebot. Onze ans avant Mortensen, Day-Lewis joue le Captain Fantastic pour sa fille (Camilla Belle) dans la même folie nostalgique des communautés post-hippies purgées de leur acide. L'environnement idéal pour élever les enfants du troisième millénaire, croyait-on avant de réaliser que le futur allait être moins communautaire que jamais, quoi que fussent les désirs des anarchistes.
Ces questionnements, les personnages vont les traverser avec une douceur qui ne peut pas laisser indifférent, car elle recouvre un peu tout, même ce que l'histoire a de plus tragique. Mais ils sont explorés avec beaucoup de littéralité aussi. Pas besoin d'attendre l'épilogue superflu pour se rendre compte que l'objet du film est la relation père-fille, et que les autres interactions agissent finalement comme des satellites. Les premières fois de la jeune fille sont survolées dans un faux dévouement de l'histoire à son instabilité mentale, laquelle motive mollement l'inquiétude : elle va mal tourner, se dit-on.
Il est assez dommage de constater ces vides familiaux derrière ce qui était une œuvre de couple : la réalisatrice Rebecca Miller est la compagne de Day-Lewis, et ils ont mobilisé ensemble juste la partie de l'industrie cinématographique qu'il leur fallait. Malheureusement, il faut savoir assez vite regarder au-delà des quelques tentatives de symbolisme (l'innocence, la pureté, le péché représenté par le serpent, touça touça) pour déceler l'intérêt introspectif d'un relationnel adolescent soudain chamboulé à travers lequel on découvre des sentiments un peu trop libéraux – même pour les vieux hippies.
→ Quantième Art