Noirs sont le costume et les états d'âme de l'homme chauve-souris...

Avec The Batman, c'est une énième évocation du vengeur masqué de Gotham City qui nous est proposée. Après la trilogie réussie de Christopher Nolan, il semblait pour le moins délicat de réaliser une nouvelle version de cette histoire vue et revue. Matt Reeves a réussi ce tour de force et en plus, son œuvre se révèle aussi puissante voire davantage que celle qui a précédé.

Afin d'affirmer une identité singulière, le réalisateur n'a pas hésité à changer radicalement bon nombre de paramètres du monde cinématographique de Batman et piochant dans des versions alternatives qui fleurissent dans les comics books. Son univers est sombre, dégoulinant de pluie qui poisse la ville à l'instar du mal qui la gangrène. La corruption règne en maîtresse et la probité semble avoir quasiment déserté les âmes qui devraient veiller sur la ville. Batman est torturé comme jamais, la face masquée ayant quasiment dévoré la partie visible de Bruce Wayne. Le justicier semble toujours à deux doigts de basculer dans la violence aveugle et le contrôle qu'il exerce sur lui-même paraît ne tenir qu'à un fil. Dans les bagarres qui l'opposent à la lie de la cité, il prend des coups tout autant qu'il en donne et son impassibilité est mise à rude épreuve. A cet égard, Robert Pattinson réussit à incarner cet être tourmenté avec brio. Catwoman n'est pas en reste avec une vie de souffrance qui l'a marquée comme l'homme chauve-souris. Zoé Kravitz incarne parfaitement cette femme solide ais dont la fragilité affleure parfois. Colin Farrel campe un pingouin méconnaissable dont on sent que le potentiel n'est pas encore pleinement exploité. Reste le commissaire Gordon, correctement incarné par Jeffrey Wright mais qui ne parviendra pas à faire oublier l'excellent Gary Oldman.

Le film durant trois heures, il eût été facile de sentir qu'il tirait en longueur. Il n'en est rien. Le scénario, habilement rédigé, alterne dans un équilibre subtil entre l'action et les moments plus intimistes ou d'enquête. Car dans cet opus, comme cela a été déjà relevé, la facette du détective masqué est mise en exergue et elle apporte une fraîcheur bienvenue. The Batman n'est pas juste une brute de combat dont la volonté implacable et l'équipement de haute technologie lui permettent de dominer ses adversaires. Ici, il se sert de sa tête davantage que de ses poings, même s'il ne rechigne pas à distribuer de solides uppercuts. C'est ainsi que la construction narrative, appuyée par un casting brillant et une bande son particulièrement appropriée offrent un résultat bluffant.

En regardant une œuvre de super-héros aussi dense et personnelle, on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec les récits Marvel dont la vacuité apparaît au grand jour. Ce Batman ne joue vraiment pas dans la même catégorie et se révèle infiniment plus jouissif à regarder.