Adolescent mais intéressant

Film très attendu en dépit de l’errance narrative des studios DC, The Batman est enfin sur nos écrans et la critique s’emballe : chef-d’oeuvre qui révolutionne le genre ou navet prétentieux ?

Matt Reeves propose ici une vision assez originale qui revient aux origines du super-héros à savoir le côté détective qui lutte contre la pègre de Gotham City et ses pontes, mafieux, politiques corrompus et super vilains.

Pour ce faire, force est de constater sa manière de filmer la ville à hauteur d’homme, bien loin du gigantisme de Nolan, du gothisme de Burton ou encore des délires mégalos de Schumacher, place le héros masqué dans un contexte réaliste, cru et anxiogène. Aux scènes d’actions vertigineuses, braquages dantesques et fusillades effrénées Reeves y préfère un minimalisme rafraîchissant et une atmosphère étouffante entre métro, boites de nuits sous-terraines et immeubles désaffectés.

Oui, ce Gotham est sale, pas crasseux mais malsain, corrompu et sans repères. Le Batman y évolue moins en justicier qu’en vengeur, nourri du traumatisme muet de la perte de ses parents qu’il comble en déchaînant toute sa violence et toute sa haine contre les voyous et autres petites frappes. Un combat qu’il sait sans but.

De là on observe une évolution du personnage tout au long du métrage qui au fur et à mesure de son enquête, tandis que le Riddler se joue de lui en le plongeant au cœur d’un réseau aux sources de la criminalité de Gotham, trouvera sa voie, gagnera en maturité et comprendra l’importance de son rôle au sein de cette ville.

Concernant le jeu d’acteur, Pattinson s’il patine un peu par moment reste fidèle à ce Batman adolescent en quête de repères, moins gothique que Grunge (influence Kurt Cobain assumée jusque dans la BO, on y reviendra) et on croit à son cheminement psychologique vers une acceptation de soi et une prise de conscience, tant Wayne que Batman, de son identité.
Zoé Kravitz présente ici la meilleure version de Catwoman. Touchante, dangereuse et affirmée.
Autre personnage extrêmement maîtrisé : le Pingouin incroyable de charisme.
Le Riddler de Paul Dano quant à lui pêche dans son interprétation tantôt Jokeresque, tantôt Bane de Dark Knight Rises. Fulgurant par moments mais trop souvent ridicule par son surjeu.
Enfin, les seconds rôles ne sont pas en reste. Si le Gordon de Jeffrey Wright est assez oubliable, que cela fait du bien de revoir John Turturro dans un grand rôle en chef mafieux avec une interprétation à la fois classe et effrayante.

Concernant la musique, quelques partitions dénotent mais l’ensemble reste assez basique et le thème pas assez mis en valeur pour être marquant comme celui d’un Nolan ou d’un Burton. A noter une utilisation intelligente du Something in The Way de Nirvana où Matt Reeves met en scène les paroles du couplet en les mettant en parallèle avec l’univers du film et la psyché du personnage principale alors que nous découvrons la Batcave du point de vue de Batman sur le point de redevenir Bruce Wayne pour une nuit.

En somme, un métrage assez intéressant, riches de bonnes idées mais où le rythme mal géré fait retomber le soufflé ce qui transforme les moments de tensions en esbroufe plutôt fades et ennuyeuses.
Beaucoup comparé à Seven voire à la trilogie Nolan, The Batman ne parvient pas à transformer l’essai en se contenant trop (les limites de la classification qui, ironiquement, est la même que celle des Nolan autrement plus graphiques ?) mais demeure un blockbuster rafraîchissant qui pose les bases d’une trilogie qui s’annonce prometteuse. Affaire à suivre...