Le statut de personnage culte auquel est parvenu 'the Dude' a incontestablement amélioré l'image de ce "Big Lebowski", petit film des Frères Coen qui n'avait guère eu de succès lors de sa sortie. Le film en est il devenu bon pour autant, avec les années ? Pas sûr. L'idée de départ, pour ne pas être très originale, tient la route : comme dans le génial "Privé" de Altman, il s'agit de confronter les codes de l'univers d'un Chandler ou d'un Hammett à ceux d'une époque nouvelle, de secouer bien fort, et de voir ce qu'il en ressort. Malheureusement, le côté "petits rigolos" des Coen Brothers, qui tirait vers le bas certains de leurs premiers films, fait ici des dégâts : si la culture hippie du Dude, subtilement habité par un Jeff Bridges excellent, offre un remarquable contrepoint à l'intrigue absconse et pourtant légère du versant "polar" du film, la caricature des moeurs déjantés, voire dégénérés des riches californiens n'aboutit guère qu'à une succession de vignettes absurdes, pas toujours très drôles, et souvent inutiles. Le casting "all - future - stars" est lui-même un témoignage du flair des Frères Coen en matière d'acteurs, mais chacun est par trop poussé à faire son petit numéro dans son coin pour contribuer à l'élan du film, la plus grosse déception étant - pour une fois - un John Goodman qui n'arrive pas à dépasser le niveau de la pure caricature dans son rôle trop lourd de vétéran du Vietnam bien abimé. Finalement, le meilleur de "Big Lebowski", c'est sans doute son ouverture et sa fermeture, énigmatiques et décalées, avec le beau personnage du cowboy aux propos pour le moins obscurs. C'est un procédé que les Frères Coen utiliseront de nouveau, et à bon escient, qui confère au film une sorte de zone d'ombre bienvenue, comme pour nous dire que tout cela n'a été certes qu'une farce pas trop adroite et sans conséquences, mais que, sait-on jamais, il s'est peut être passé quelque chose d'autre à l'écran. Quoi ? On ne sait pas trop, mais c'est sans doute là le charme de ce film à demi loupé, mais difficilement cernable. [Critique écrite en 2013]

EricDebarnot
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le 24 févr. 2013

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Eric BBYoda

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