Ce qui est certain avec les frêres Coen, c'est que leurs films échappent à la catégorisation. The Big Lebowski pourrait même être un des meilleurs exemple de cette volonté des Coen brothers à la foi de jouer avec les codes cinématographiques liés aux films de genre et de s'en affranchir , notamment, en mélangeant plusieurs genres ensemble, leurs donnant un nouvel éclairage.
Evidemment, The Big Lebowski est avant tout une comédie, mais pas de ces comédies cherchant a vous faire rire à tout bout de champ ; ceux qui s'attendraient a un festival de gags en seront pour leurs frais d'ailleurs. L'humour de The Big Lebowski est insidieux, il s'insinue petit à petit, et s'il ne provoque que de simples sourires au départ, le film vous entraîne rapidement dans sa folle sarabande faite de situations absurdes, de personnages hauts en couleur, et de dialogues aux petits oignons. La combinaison de tous ces éléments fait que ce sourire se transforme en rire, et pour ma part en crise de rire hystérique à certains moments (l'ayant revu hier, je dirais même que le film est plus drôle à chaque visionnage).
Avec The Big Lebowski, les Coen mélangent plusieurs genres assez opposés les uns aux autres à savoir principalement la comédie et le film noir. Je ne pense pas vous faire une grande révélation en faisant le parallèle entre les films noir et The Big Lebowski puisque c'est un aspect du film évident et qui a été souvent commenté par des gens plus cultivés ou intelligents que moi (si, si ça existe !), raison pour laquelle je ne compte pas m'appesantir sur tous les parallèles que l'on peut faire entre eux.
Il faut tout de même dire que The Big Lebowski est vaguement basé sur The Big Sleep (jusque dans le titre) de Raymond Chandler, et que la figure classique du privé un peu paumé est incarné dans le film des Coen de manière hyperbolique par The Dude ( et non pas le duc, s'il vous plait !).
Mais le film noir n'est pas le seul genre avec lequel les Coen jouent pour créer leur comédie: on peut y ajouter la comédie musicale durant les « rêves » du Dude et un même un petit coté western principalement ressenti à cause du narrateur et de son "look cowboy" comme dirait The Dude, ainsi que de la scène d'introduction du film qui place le récit comme une continuation de la grande histoire de l'ouest ; Le ballot de foin voyageant à travers le désert (le vieux ouest)et nous emmenant vers le centre commercial (ce que l'ouest est devenu).
J'ai souvent vu sur ce site des personnes disant que The Big Lebowski est dénué de sens profond, qu'il n'est qu'un simple divertissement. Rien que cette scène d'intro est une critique en soi. Lorsque le narrateur omniscient nous dit : « Parfois, il y a un homme qui colle parfaitement dans le tableau comme le Dude à Los angeles », c'est déjà en soi une attaque à l'égard des faux semblants tranmis par les studios par écrans interposés, car pour beaucoup quand on parle de L.A, on voit les studios Hollywoodien, le glamour, etc, hors, les Coen nous disent que ce qui colle le mieux dans le tableau de cette ville c'est The Dude: un glandeur impénitent dont les activités principales dans la vie sont la défonce et le bowling.
Pourtant, les Coen aiment The Dude; ils aiment les glandeurs et les paumés, seuls personnages sympathiques du film. Dans The Big Lebowski, toutes les personnes riches ou ayant du pouvoir présentes sont soit des escrocs (le "Grand" Lebowski lui-même), soit des pornographes (Jackie Treehorn qui en plus est le seul producteur de film apparaissant dans l'histoire- je n'irai pas jusqu'a dire que Treehorn est l'incarnation des studios dans le film, mais venant des types qui ont fait Barton Fink le sous-entendu me parait assez évident-), soit dans le cas de Maude, ( le seul personnage sympathique ayant du pouvoir et de la richesse) a un coté un peu froid et inhumain. Il en va de même avec les autres figures d'autorité présente dans le film comme le sheriff de Malibu.
The Dude, c'est une figure que j'aime, une figure d'anti-héro, de héro sans emploi qui n'est pas sans me rappeler un de mes héros en bande dessinée: le bien nommé Gaston Lagaffe.
Comme Franquin, peut-être, les Coen se mettent du coté des petits, des glandeurs et des nuls, mais en montrant qu'ils sont tellement plus humains, tellement moins froids et mécaniques, tellement plus aimables au premier sens du terme que les autres.
Il me semble que ce discours là, qui fustige les puissants, qui se moque d'une Amérique travailleuse et entreprenante en démontrant que ce sont bien les escrocs et les faux-semblants qui y prospèrent et en lui opposant comme "héros" de leur histoire un type qui incarne à lui seul l'exact opposé des valeurs de l’Amérique triomphante post-reaganienne, a un sens, une signification réelle, et qu'on est donc loin d'un film sans profondeur.
En conclusion, The Big Lebowski est un film génial, une grande comédie, un film intelligent qui joue sur beaucoup de registres différents, et a titre personnel mon film préféré des frères Coen. C'est un vrai bonheur à chaque fois de le revoir et si vous ne l'avez pas encore vu, vous allez me faire le plaisir d'arrêter de lire cette critique à la con et d'aller le voir au plus vite, même si c'est jour de Shabbat !
Comme le dit le narrateur à la fin du film (simple remarque, mais je crois que c'est Dieu ce narrateur, un Dieu cool et bienveillant) : Je suis content de savoir qu'il est là, The Dude, à se la couler douce pour nous tous. Oh que oui : « The Dude abides », Le Dude tient bon, comme ce film malgré les années qui lui sont passées dessus.
En bonus: la recette du white russian
-6 cl de vodka
-6 cl de crème de café
-4 cl de crème liquide ou de lait