Trois addicts à l’oiseau moqueur : The Big year est l’histoire d’une confondante erreur de marketing. Quand David Frankel, le réalisateur à succès des comédies douces amères Le Diable s'habille en Prada et Marley & Moi, réunit trois des meilleurs comiques de leur génération, les affiche en gros plan dans la position du chasseur à l’affut et débute son film par le carton : « Ceci est une histoire vraie. Seuls les faits ont été changés », le public se prépare, légitiment, à une grosse farce, une Nuit au musée en prises de vues extérieures où les momies auraient cédé leur place à des piafs surexcités. Or, il n’en est rien.
The Big year oppose des ornithologues amateurs qui se donnent une année pour identifier le maximum d’espèces d’oiseaux différents sur le vaste territoire nord-américain. La caméra de Frankel s’arrête sur trois compétiteurs. Stu (Steve Martin), un riche chef d’entreprise, vient de céder les rennes de son affaire. Jack Black (Brad) joue un sympathique looser qui tente de concilier son emploi avec l’épreuve, sous les quolibets de son père. Owen Wilson incarne Bostick, le recordman de l’épreuve, une légende vivante qui enchaine les "Grandes années", délaissant la ravissante Rosamund Pike, son épouse.
Le montage est plaisant, alternant les scènes de groupe en extérieur et les portraits individuels. Par fines touches et sur un mode réaliste, nous entrons dans les vies privées des rivaux, bousculées par leur fascination commune. Loin de nous présenter une comédie, Frankel nous offre le portrait de trois addicts livrés, pieds et poings liés, à l’objet de leur passion. L’épreuve est longue, les mois passent. Bousculés, les deux challengers unissent leurs forces. Les motivations s’effritent, les organismes souffrent et les caractères évoluent. Brad perçoit un ami en Stu, qui le libère d’anciens complexes. Stu se découvre mortel et grand-père. Bostick emprunte un chemin inverse, tout entier consumé par sa quête. Il vaincra, mais y perdra son âme. Au final, ce beau film dramatique sur l’addiction est porté par trois acteurs au sommet de leur art… Pas de quoi rire, mais matière à réfléchir.
PS Le concours possède sa version française ! J’ai découvert Éric, ancien recordman des birders français, avec 378 oiseaux « cochés » aux quatre coins de l’Hexagone au cours de sa Grande année
Octobre 2018