Précédé d’une réputation ultra-flatteuse et peut-être un peu lourde à porter (la « déception » étant alors inévitable), « The Brutalist » sans être forcément le chef d’œuvre ou classique instantané annoncé (le temps et une nouvelle vision, permettant de digérer ce gros morceau de cinéma, le diront) est tout de même un très beau film, plus intime que prévu, à la fois ample et émouvant.
Ample tout d'abord car il est rare de voir autant d’ambition de la part d’un cinéaste américain (beau saut qualitatif de Brady Corbet après 2 films peu convaincants: « L'enfance d'un chef » et « Vox Lux ») pour mener à bien un projet aussi riche dans ses thématiques (le rêve américain et ses désillusions, l’intolérance/jalousie, le traumatisme de la Shoah/naissance d’Israël) que dans sa narration en 2 actes à la « Barry Lyndon » (+ ouverture/épilogue et un entracte dispensable tant ces 3h20 filent à toute allure) pour illustrer le rise & fall de son protagoniste.
Dans le genre fresque de longue durée sur le passé des Etats-Unis, ayant des échos sur l’époque contemporaine (au temps de la nouvelle prise de pouvoir de Trump et du conflit Israélo-Palestinien), on peut penser à « Killers of the Flower Moon » (même durée titanesque et constat identique sur une Amérique pleine de fausses opportunités) ou au un peu plus ancien à « There will be blood » ; la construction du bâtiment pouvant rappeler le gigantisme des séquences autours des puits de pétrole.
Emouvant également par le destin de László : d’abord résilient, il gagnera petit à petit en confiance auprès d’un mécène (un grand Guy Pearce dont on regrette qu’il n’ait pas connu une autre carrière)
qui, en complément d'une addiction aux drogues, mènera László à sa perte : relation fascinante de respect/amour/haine quasi vampirique entre ces 2 personnages culminant lors de la glauquissime scène de viol et lors de la stupéfiante scène du repas interrompue par Erzsébet.
En dehors du duo évoqué ci-dessus, la relation qu’il entretient avec sa femme (jouée par une touchante Felicity Jones) vient enrichir la seconde partie par son romantisme et sa complexité : le traumatisme des camps de concentration (évoqué dans le pitch mais finalement divulgué très tard dans le récit) semblant les avoir aussi bien rapprochés qu’éloignés
(cf leur première relation intime suite à leur retrouvaille).
Évidemment il faut saluer le grand retour au premier plan d’un Adrien Brody qui porte l’œuvre sur ses épaules et qui donne corps à son personnage et à toutes ses contradictions; oscillant entre humilité et mégalomanie.
Il est dit par un personnage que c’est la destination qui compte et pas le voyage: dans « The Brutalist » c'est le beau et cruel voyage à travers 30 ans qui marque tandis que la destination/conclusion de cette Histoire est toujours en train de s’écrire dans notre présent.