Depuis son passage remarqué à la Mostra de Venise – d’où le film est reparti avec le Lion d’Argent de la meilleure mise en scène – The Brutalist déchaîne les passions, de la presse comme du public. Désormais grand favori aux Oscars (depuis le scandale Emilia Perez) avec 10 nominations, le nouveau long métrage de Brady Corbet rafle tout sur son passage (3 Golden Globes et 4 BAFTA). Un vrai rouleau compresseur qui laisse peu d’espace aux concurrents Anora, The Substance, Un parfait inconnu ou encore Conclave.
Brady Corbet et Venise, c’est une grande histoire d’amour. Le plus vieux festival du monde l’avait déjà honoré du Prix du meilleur réalisateur dans la section Orizzonti (l’équivalent du Certain Regard Cannois) en 2015 pour son premier long métrage L’Enfance d’un chef, avant de l’intégrer en compétition en 2018 avec Vox Lux, son second film. Avec The Brutalist, le réalisateur fait un 3/3 : carton plein pour Corbet donc !
Du haut de ses 3H35, le film a une durée monumentale (notez ici la pointe d’humour à l’utilisation de cet adjectif galvaudé, utilisé à toutes les sauces et parfois à tort et à travers, par les journalistes du monde entier). The Brutalist est une grande fresque de fiction (ce n’est pas un biopic), qui raconte l’histoire d'un architecte juif hongrois, László Toth, sur plus de 30 ans. De sa reconstruction personnelle au retour des camps de concentration jusqu’à la reconnaissance internationale pour son art, il s’agit surtout de l’histoire d’un homme qui vit un peu malgré lui un rêve américain. Son personnage s’inspire de deux architectes juifs de l’époque Marcel Breuer et Erno Goldfinger.
La mise en scène est soignée (et parfois un peu maniérée). On y retrouve plusieurs influences plus ou moins marquées. L’ouverture par exemple, où notre László Toth débarque à New York depuis un immense paquebot, m’a fait penser au Fils de Saul d’un autre László : László Nemes. Cette partie est intégralement filmée en caméra à l’épaule, et suis au plus près le personnage de dos. Seuls les bruits environnants permettent au spectateur de comprendre véritablement ce qui se passe.
Monumental, le film l’est aussi par les décors choisis. On pense évidemment à cette immense carrière de marbre italienne, qui impressionne dès la bande annonce. Mais également aux imposants bâtiments auxquels le titre du film fait référence : le brutalisme est un courant architectural des années 50 à 70 qui se caractérise par de gros volumes en béton et l’absence d’ornements et d’habillage.
L’acteur Adrien Brody, qui incarne László, trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Avec sa stature élancée, ses traits tirés et son accent prononcé, Brody est parfaitement crédible en survivant de la Shoah. Il est accompagné au casting par une brochette de pointures : Felicity Jones qui incarne sa sœur Erzsébet, Guy Pearce (aux petits airs de Brad Pitt, ne me demandez pas pourquoi mais ça m’a marqué) dans le rôle du mécène Lee Van Buren, où encore Stacy Martin sous la peau de Maggie Lee, fidèle à Brady Corbet puisqu’elle a collaboré sur les trois films du réalisateur jusqu’ici.
Concernant l’intermission (cet entracte de 15 minutes avec un décompte à l’écran qui intervient après 1h40 de film) je fais partie de ceux que cela a rebuté. A l’heure où nous sommes habitués en tant que spectateur aux films longs – voire très longs – cette coupure obligatoire m’a complètement sorti du film. J’ai eu beaucoup de mal à me replonger dans l’atmosphère du long métrage, d’autant plus que ma voisine en a profité pour acheter un énorme pot de popcorn croustillant. Il s’agit d’une volonté assumée du réalisateur et dans certains pays comme en Italie, l’intermission est la norme. Elle a le mérite de délimiter clairement les deux parties du film, mais elle n’était pas vraiment nécessaire à mon goût.
Peut-être à cause des critiques dithyrambiques de toute part, peut-être à cause de la musique qui reste en tête – ces quatre notes grandiloquentes qui donnent lieu à de nombreuses variations tout au long du film –, je m’attendais à ce que le film m’emporte davantage. J’aurais aimé adorer, mais The Brutalist m’a laissé par moment sur le carreau, notamment à cause de faiblesses de scénario sur la seconde partie. Le nouveau film de Corbet reste toutefois l’un des projets les plus ambitieux de ces dernières années, parfaitement maîtrisé de bout en bout !