Voici des mots qui forment , non pas une critique , mais un simple texte .
Je vous signale un excellent dossier , quant au film The Brutalist, dans les pages du numéro de février 2025 du mensuel Positif .( Le meilleur au monde selon Martin Scorsese).
Je fais comme Brady Corbet.
Voici un texte en quatre parties !
Ouverture !
Lent "travelling" écrit vers les deux mots
The Brutalist ( musique de Daniel Blumberg).
Première partie :
Les atouts de cet ouvrage cinématographique !
En 2015, Brady Corbet signe son premier long métrage " L' enfance d' un chef "( titre inspiré d' un livre de Jean - Paul Sartre ) qui se déroule au début du vingtième siècle. Puis en 2018, c ' est " Vox Lux" qui , déjà , se déroule en quatre parties comme The Brutalist ( voir mon texte sur Vox Lux, que j ' ai visionné récemment en DVD).
Brady Corbet a 36 ans et avec The Brutalist il se hisse au niveau des meilleurs réalisateurs du début de ce siècle dans le monde et je vais essayer de montrer pourquoi.......
Un spectateur de proclamer :
" T' as vu le générique du début va , horizontalement, de droite vers la gauche... Gag de publicité !"... Dans une caméra avec pellicule 70 mm en Vista Vision argentique, la pellicule bouge horizontalement ! ( Je ne le savais pas, mais j' ai fait une petite enquête journalistique).
L' ouverture de cette œuvre cinématographique, qui contient des fulgurances visuelles ( Merci la Vista Vision argentique en 70 mm montrée à la Mostra de Venise en 2024) , rend hommage à celle de Citizen Kane d' Orson Wells( différemment mais l' intention est là). Dans un magma, musical et bruitiste, où dans le ventre du bateau, apparemment sans issue, " naissent " des humains immigrés puis la caméra jaillit à la lumière et le protagoniste principal, László Tóth, incarné excellemment par Adrien Brody,découvre le ciel ensoleillé ainsi que la statue de la liberté , dans la baie de New York City,montrée la tête en bas ..........
Le premier atout de ce film réside dans une osmose , précise et pertinente , entre la musique extra -diégétique, les plans séquences et la tragédie des destinées de László Tóth, d'Erzsébet Tóth, campée intensément par Felicity Jones,qui sont imaginés par les deux co-scénaristes ( Brady Corbet et sa compagne de vie, depuis dix ans, Mona Fastvold).
Ah ! Enfin voici un film avec un scénario original qui est le second atout à mes yeux ...et à mes oreilles !
Le troisième atout concerne deux fois le mot Brutalist, je m' explique :
- le mouvement architectural brutaListe,
Et
- le brutaliste en chef , ce démiurge , pingre ,inique , raciste , cynique et riche financièrement , à savoir Harrison Lee Van Buren Senior , interprété justement par Guy Pearce, tel le forcené égocrate de la volonté de toute puissance sur les corps et les âmes.......y compris sur son fils probablement..........
Le quatrième atout repose sur les interprétations , denses et complémentaires , d' Adrien Brody et de Felicity Jones. Saluons ce miracle du casting évidemment......
Le cinquième atout se matérialise par le choix des chansons , de 1947 à 1980 , qui renforce le récit visuel et sonore, à savoir :
It' s So Nice to Have a Man Around the House( 1949), To Each His Own et You are ma destiny ( 1958) notamment.
Le sixième atout révèle la similarité de travail entre un artiste architecte et un artiste réalisateur de film .
Le septième atout concerne le cinéphile qui adule architecture et cinématographie et , naturellement, The Brutalist pense ( pourquoi pas .. un film peut " penser") au film Le Rebelle ( The Fontainhead, 1949) de King Vidor avec Gary Cooper dans le rôle de Howard Roark.
Le huitième atout , le plus brutal, le plus beau et le plus signifiant , de mon point de vue , enchâsse les plans séquences italiens, à Carrare , où l' on viole la montagne pour en extraire le marbre.... Plus exactement la roche marbrée ..... Contempler de loin le blanc vierge des belles roches marbrées et puis , peu à peu , la caméra zoome et les nervures apparaissent tel des ruisseaux figés sur le roche martyrisée par les outils des industriels cyniques comme Harrison Lee Van Buren Senior qui montrera son vrai" visage vidange " dans une grotte de Carrare...........La volonté de puiser dans le réveil de la bête immonde pour assouvir, par les gestes physiques, la violence symbolique de l' argent accumulée pour dominer coûte que coûte autrui tel un Deus ex Machina ...Ainsi va le capitalisme qui est probablement une voie sans issue pacifique pour le genre humain.......
Le neuvième atout, plus formellement frappant , met en lumière les compositions et choix chromatiques mimant les couleurs de certains tableaux d' Edouard Hopper.
Le dixième atout est une harmonie entre divers petits films ,installés discrètement, par-ci par-là , qui nourrissent ce Léviathan sublime, le" corps" principal ( en Vista Vision) du film et qui traite de la Pennsylvanie, de ces richesses , et cetera et ainsi , densifie , la trame visuelle et sonore que nous découvrons, bouche presque bée, et qui nous fait prendre une salutaire distanciation pour essayer d' y voir plus clair , ici et maintenant et ici et là bas.......
Mais laissons un peu la parole à ce jeune réalisateur de film :
"..............J’ai réalisé trois publicités, au Portugal, c’est la première fois depuis des années que je me fais de l’argent .. », raconte Brady Corbet à son hôte dans le podcast WTF avec Marc Maron. Il poursuit en indiquant que lui et Mona Fastvold, avec qui il travaille et vit, ont gagné « zéro dollar sur leurs deux premiers films » et qu’ils ont dû se « ......contenter d’un salaire qui date d’il y a trois ans....... "
Face à l’interrogation de son interlocuteur, le réalisateur de Vox Lux précise que les cinéastes « ne sont pas payés pour promouvoir un film » et que les tournées promotionnelles sont très longues. « Notre film a été présenté en septembre 2024 à la Mostra de Venise. Cela fait donc six mois que j’en fais la promotion. Et je n’ai gagné aucun revenu parce que je n’ai pas le temps d’aller travailler. Je ne peux même pas accepter un travail d’auteur en ce moment .........», expose-t-il. Comme quoi cinéaste et architecte sont des métiers proches. Regardons les immeubles autour de nous ! Presque tout pour le pognon ! Presque rien pour une vraie architecture artistique ! Presque tout pour les films formatés ! Très peu pour les œuvres cinématographiques ambitieuses ou originales! Brady Corbet tourne évidemment vite , 33 jours , The Brutalist pour pouvoir avoir le director' s cut et cetera. ...... Le réalisateur poursuit :". J’ai parlé à plusieurs réalisateurs qui ont leur film nommé cette année pour les Oscars et qui ne peuvent pas payer leur loyer. C’est une réalité........ ».
Quand Marc Maron lui demande s’il est excité pour la cérémonie des Oscars qui se déroule le 2 mars prochain, Brady Corbet livre cette réponse : « J’ai hâte que tout cela se termine " .......... Rien ne change donc! Art versus industrie culturelle toujours la même ritournelle en eau de vaiselle !
Entracte écrit : alpha et omega vont chanter ....Puis ...
Attendre 2 minutes et 37 secondes. ( Imaginons une horloge numérique et vous pouvez vous détendre, et cetera ).
Seconde partie :
Où on trouve des qualités visuelles et sonores !
Sublimement, Brady Corbet nous propose un passage amoureux, entre László et son épouse , mis en images comme j' aimerais le voir plus souvent ! Une splendeur transcendante ! Accord des cœurs à corps et vice et versa ...........
Efficacement, le plan séquence à la steadicam qui met en scène Erzsébet, qui entre dans la luxueuse antre où la famille Van Buren déjeune et elle va annoncer une terrible nouvelle, constitue un sommet de puissance visuelle suggérée ! Chapeau les artistes !
Le rêve américain !
On désigne quoi par cette expression ? ! L' Amérique est un continent dont les États Unis d'Amérique sont une fraction ! Une grande partie mais une partie seulement ! Le rêve ou le cauchemar états -uniens d' Amérique existe et cela est différent pour chacune et chacun qui y vit, j' imagine .......Une seule vraie dominante dans ce pays ! L' argent y est la loi d' airain , avant tout autre chose ........... Et pour le continent Antarctique ? Le Groenland ?
Une devinette !
Il y a un plan avec une plateforme jaunie et si nous enlevons la dite plateforme et nous la remplaçons par le Golden Gate de San Francisco en Californie ( USA) nous constatons alors le même plan que dans Vertigo d'Alfred Hitchcock!
La force tranquille de ce long métrage époustouflant, réaliste et épique , trace ses sillons en nos cerveaux en alerte . Pourquoi ? Cette mise en scène, virtuose parfois, instille une lourdeur étouffante autour de cette riche villa , en cette communauté de Doylestown où le racisme tranquille va et vient , où les juifs sont uniquement tolérés , idem pour tous les étranges étrangers...........
Si Harrison Lee Van Buren Senior tolère cet architecte, juif hongrois, rescapé des camps de la mort de l' idéologie du national socialisme des travailleurs allemands du troisième Reich, c ' est seulement qu' il fut renommé avant ( Bauhaus, et cetera ) et qu ' il y a du fric à amasser!
La musique extra -diégétique !
Daniel Blumberg a travaillé en étroite collaboration avec Brady Corbet et son équipe et cela a accouché d' une musique qui revêt le visage solaire et sonore d' un protagoniste en somme.....
Une affaire de vision !
Simplement, la vision du mégalomane Harrison ( ancien président des USA) Lee ( ancien général ) Van Buren ( ancien président des USA) Senior( le pouvoir sur son fils Junior ) diffuse uniquement sa gloire dans son cerveau totalitaire et salace par la seule logique stérile du tout à l' égo. ......Alors .....Alors que les visions télépathiques d' Erzsébet, qui l' unissent à László, en lui permettant de " voir" toutes les situations, y compris les plus scabreuses, dans lequel son mari s ' est trouvé depuis dix longues années où ils furent séparés, lui aux USA, elle retenue en URSS , rayonnent autour de sa présence lumineuse.
Épilogue écrit : on doit :
Savoir découvrir
Savoir admirer
Savoir apprendre pour créer un jour si cela vous sied !! ......
A vous !
A nous !
Mais revenons à Carrare. Dans le brouillard d' Orazio.
Un homme âgé .Villard Garibaldien aux longs cheveux.
Tel un antique barde! Presque la réincarnation de Michel -Ange ( pourquoi pas !) qui affirme la volonté que tout vrai artiste est un révolutionnaire qui a besoin d' un mécène trop souvent. Contradictoire alliage ! Naturellement.
The Brutalist ou l' art cinématographique qui dérange mais qui propose ! Tout art propose un futur possible aux couleurs modifiées de la présence du passé ..........
Bien à vous.
Gérard Michel