En littérature, parler de "grand roman américain" a un sens, même si peu d'auteurs, désormais, semblent pouvoir rejoindre sa légende. Il n'y a pas d"expression équivalente pour le cinéma mais la liste des réalisateurs états-uniens ayant œuvré dans cet esprit, avec talent, est plutôt longue, de Vidor à Scorsese, de Ford à P.T Anderson, en passant par Kazan, Cimino et beaucoup d'autres.Tout ce préambule pour adouber Brady Corbet avec The Brutalist, récit monumental, et pas seulement pour sa durée, qui semble d'ailleurs bien douce en comparaison avec la plupart des films actuels qui se limitent à deux fois moins de temps. L'ambition est énorme dans ce que l'on nommerait un "pavé" en littérature (difficile de na pas revenir au roman devant un métrage déjà remarquable par son écriture) mais elle s'abstient de lyrisme et, si l'on veut chercher un défaut au film, disons qu'il est bien plus impressionnant qu'émouvant, mais c'était vraisemblablement l'objectif de Corbet. Dans un pays qui recueille dans l'immédiat après-guerre les rescapés de la vieille Europe, le trop fameux rêve américain prend sinon la forme d'un cauchemar, tout du moins celui d'un mensonge, celui de la prétendue égalité des chances, sur la terre du capitalisme-roi. The Brutalist raconte cela et beaucoup d'autres choses au sein d'une véritable fresque tout en nuances, centré sur un architecte qui découvre les contraintes de travailler pour un "généreux" mécène, forcément riche à millions. Après une première scène ébouriffante, le cinéaste capte d'emblée notre attention et ne la perdra plus, repartant tout aussi fort dans le deuxième partie du film, par ailleurs bien plus noire que la précédente. Adrien Brody livre une prestation haut de gamme, digne de celle du Pianiste de Polanski, à laquelle réplique l'interprétation non moins inspirée de Guy Pearce et de Felicity Jones, notamment. The Brutalist restera comme l'un des grands films de l'année, assurément.