The Brutalist
7.1
The Brutalist

Film de Brady Corbet (2024)

Il est arrivé tel un boulet de démolition pour saper toute concurrence sur la voie des récompenses. Et ça n'a pas manqué. Lion d'argent à la Mostra de Venise 2024, le film de Brady Corbet s'accompagnait d'une litanie de tweets hallucinés convoquant pêle-mêle There Will Be Blood, Le Parrain, Michael Cimino ou Sergio Leone,...Qui pourrait résister ? Pas les Golden Globes, qui l'ont sacré meilleur film en plus d'offrir à Corbet sa première statuette et une deuxième pour Adrien Brody. De là à dire que les Oscars vont suivre...Alors qu'est-ce qu'il a de si évident The Brutalist ? Tout sur le papier, pas grand chose dans les faits.


Une ambition de retour au grand cinéma d'antan : tourné en Panavision, récit-fleuve de 3h35, entracte de 15 minutes. Tout y est. Pour dix millions de dollars, s'il vous plait. Sur ce point, difficile de faire la fine bouche tant il est évident que Corbet a utilisé chaque dollar pour donner vie à son film. Respect. Le retour à la réalité est d'autant plus dur que ces partis pris relèvent de l'afféterie pure et simple. La durée hors-norme est totalement injustifiée. Le film n'est pas léthargique, comprenons-nous bien. Mais sur le contenu, c'est critiquable sinon totalement contestable. Si l'entracte atteste que les 100 premières minutes est une introduction, réaliser qu'elle aurait pu être rabotée à moitié moins sans le moindre impact sur le reste remet les pieds sur terre. Car The Brutalist a la fâcheuse tendance à dilater les moments les plus inutiles, quitte à les répéter. S'en dégage l'impression d'un objet pesant et pédant, tellement conscient de lui-même qu'il passe à côté de bien des sujets.


À commencer par le brutalisme lui-même, un concept jamais traité ni dans le fond ni sur la forme. Il faut attendre l'épilogue désastreux, en forme d'explication de texte, pour que Corbet révèle oralement ce qui aurait dû hanter son projet du début à la fin. Et possiblement créer une empathie plus importante avec le personnage de László Toth, pourtant très bien campé par Adrian Brody. Je m'en voulais presque de penser à Paul Thomas Anderson et Michael Cimino en regardant le long-métrage, tant il était loin de leur arriver à la cheville. À sa manière, The Brutalist voudrait nous raconter la même chose à propos de cette chimère qu'on appelle l'Amérique, territoire de tous les possibles qui aspire les rêves, exalte la cupidité et bâtit des monuments sur le sang des défavorisés. Le problème demeure qu'il le fait mal et n'a définitivement pas la finesse de ses illustres pairs. Il passe d'un thème à un autre, et n'arrive à en cerner aucun. À l'instar de ses personnages secondaires, du fils de l'industriel à la nièce mutique en passant par le compagnon de galère. Au mieux, on termine avec des esquisses qui peinent à exister. Au pire, des fantômes qui apparaissent sporadiquement.


En fin de compte, ce qui personnifie le mieux l'échec du projet, c'est le personnage de l'industriel Harrison Lee Van Buren, joué façon cabotin par le pourtant très bon Guy Pearce. L'idée de la relation toxique unissant Van Buren à László est entendue. Et parfaitement synthétisée le temps d'un repas où l'accent de ce dernier est l'objet d'une raillerie pour le moins honteuse. Mais ça ne suffisait pas au réalisateur apparemment, qui pousse l'humiliation bien plus loin lors d'une scène en Toscane. Et si ça ne suffisait pas, The Brutalist appuie encore un peu plus en fin de partie 2 avec une séquence de diner embarrassante. Il y avait beaucoup à dire, et Corbet avait une matière en béton. À force d'effets de manche, de transitions nébuleuses et d'un récit à rallonge, son long-métrage s'effrite comme de l'argile. Manifestement, c'est suffisamment solide pour convaincre les festivaliers et une partie de la critique. Mais je doute qu'il fasse illusions au delà de cette année.

ConFuCkamuS
4
Écrit par

Créée

le 16 févr. 2025

Critique lue 100 fois

7 j'aime

2 commentaires

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 100 fois

7
2

D'autres avis sur The Brutalist

The Brutalist
Yoshii
5

Edifice en carton

Accompagné d'une bande annonce grandiloquente, encensé avant même sa sortie par une presse quasi unanime, "The brutalist" se présente d'emblée comme l'œuvre d’un cinéaste malin, notamment par son...

le 10 févr. 2025

89 j'aime

31

The Brutalist
Plume231
4

László au pays des méchants Américains !

Ce film, à peine sorti de la salle de montage, a reçu une avalanche d'éloges, de superlatifs, de comparaisons glorieuses aux plus grands chefs-d'œuvre incontestés du septième art, tout en ayant le...

le 13 févr. 2025

82 j'aime

9

The Brutalist
lhomme-grenouille
4

L'art abîmé de notre temps

Comme beaucoup, je pense, j’ai été attiré par la proposition singulière faite par ce The Brutalist. Un film de plus de 3h30 avec entracte, tourné en VistaVision, le tout en se référant directement...

le 13 févr. 2025

46 j'aime

7

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

67 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

57 j'aime

7